French Oddity


Il existe en Turquie – la patrie d'origine de Faik Sardag, chanteur de Fake Oddity – des bassins d'eaux thermales où l'on se plonge au contact de poissons-guérisseurs dans le but de régénérer sa peau. Ou, autrement dit, pour en changer. On ne sait si lors de ses tournées au pays d'Atatürk, Fake Oddity en a profité pour aller se plonger dans les bassins de Kangal. Toujours est-il que, quatre ans après RunFast, le groupe en est ressorti comme doté d'une nouvelle peau. Oserait-on dire méconnaissable ? Sans doute pas. On reconnaîtrait entre mille la patte rythmique du quartet et entre millions, la voix élastique de son charismatique frontman. Pour le reste, Fake Oddity a effectivement fait peau neuve, s'est fait une (French) Beauté. Des précédents Pinkstrasse et RunFast, il reste une énergie inaltérable, mais pas grand-chose de ce rock aux influences très doorsiennes, de ces élans progressifs qui corsetaient parfois la créativité du groupe davantage qu'ils ne lui laissaient prendre sa pleine mesure. En choisissant de calmer les chevaux, de baisser un peu les potards et de faire une belle place à l'acoustique, Fake Oddity s'est simplement offert le luxe d'écrire des pop-songs. Et par la même occasion, celui d'explorer des terrains bien plus vastes qu'on ne pourrait le penser. Pas une chanson de French Beauté, cette citoyenne du monde, qui ne se nourrisse d'envie d'ailleurs, brésiliennes (I am a Man), folk (le duo masculin-féminin I can't be disguised), hispanisantes (You Go), balkaniques (Constant Pain), africaines (Magnificent tribe, tout droit sorti du Graceland de Paul Simon). Avec la folie qu'on lui connaît depuis une dizaine d'années, Fake Oddity ne s'est (ne nous a) rien refusé et avec French Beauté a fait le pari, sans doute le bon, d'un ravalement total. Sauf un : celui de ses ambitions. À la fois intactes et toutes neuves.
Stéphane Duchêne
 


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Faire trembler pour mieux troubler