Twixt


Adoptant l'adage bressonien voulant que le public ne sache pas ce qu'il veut, Francis Ford Coppola ne se soucie plus de plaire, il est libre. L'Homme sans âge et Tetro annonçaient cette nouvelle condition surgissant comme un long processus de maturation dans sa carrière. Twixt lui ouvre une nouvelle voie, plus escarpée, plus radicale, qu'il faut atteindre avec la même exigence folle que son auteur.

On ne trouvera pas chez lui d'objet plus vertigineux que cet épisode des Contes de la crypte tourné comme un film d'avant-garde rétro futuriste. Chef d'œuvre total aux allures de série B hybride, Twixt dresse une grande ligne verticale dans la filmographie de Coppola. Pour en sortir un méta-film onirique flottant sur les terres détournées de Stephen King ; un voyage mélancolique où le spectre d'Edgar Allan Poe guide Val Kilmer, écrivain sur le déclin, dans les limbes rêvées où gît le deuil de sa fille.

Les grands motifs de l'auteur se mélangent : le temps, détraqué et gigogne, emboîte les images et son personnage dans un dédale dément de fondus enchaînés. Des vampires aux airs de Rusty James traversent à moto des plans noir et argent sous une lune digitale où tout semble à la fois figé et diffus. Film mémoire et spectral au numérique cristallin, Twixt fait du récit d'horreur gothique une variation expérimentale. Une rencontre entre Roger Corman et Douglas Gordon qui n'appartient qu'à lui. Twixt ou l'œuvre d'un génie qui embrasse l'histoire du cinéma et la redéfinit. 
Jérôme Dittmar


<< article précédent
Partir en quenelle