Nos funérailles

Abel Ferrara Filmedia


Depuis longtemps épuisé dans sa précédente édition DVD, Nos funérailles était devenu un objet de culte, même pour ceux qui ne partagent pas une passion démesurée pour son auteur Abel Ferrara. Il faut dire que non seulement celui-ci était, au moment de la sortie, dans sa phase la plus créative (avec King of New York, Bad Lieutenant, Snake Eyes et même son étrange version de Body snatchers), mais aussi car Nos funérailles relève d'un classicisme à part dans son œuvre.

Il appartient à un genre, le film de gangsters, codifié et face auquel Ferrara adopte une posture humble et respectueuse. Il s'agit d'observer la désagrégation d'une fratrie mafieuse suite à l'assassinat de l'un des leurs, commis avant même le début du film. Image d'autant plus marquante que le cadavre a les traits de Vincent Gallo, lui aussi en plein boum de sa carrière, et l'on se doute bien que Ferrara ne fera pas que filmer ce comédien archi-charismatique dans une posture de gisant. Les flashbacks vont donc éclairer les racines du drame, et surtout montrer qu'aux activités illégales des frangins (magistralement campés par Chris Penn et Christopher Walken) s'ajoute une folie latente qui peut exploser à tout instant.

Dans ce monde où la domination masculine semble établie, ce sont pourtant les femmes qui gardent les pieds sur terre et permettent en définitive à l'ordre, même branlant, de se maintenir. On n'a rarement vu dans un film de Ferrara aussi beau personnage féminin que celui d'Isabella Rossellini, mélange de force et de douceur qui apaise les éruptions névrotiques et les explosions d'angoisse de son époux. Et c'est bien dans Nos funérailles que l'on trouve une des meilleures scènes jamais filmées par Ferrara : une exécution dirigée par Christopher Walken qui confesse sa culpabilité et son remords tout en commettant l'irréparable. Magistral.

Christophe Chabert

 


<< article précédent
L’affaire du Meurice