Attention ambition ! Dirigés par Aurélie Kavafian, les comédiens Justine Hostekint et François Chevallier (passés par la Ligue d'Improvisation LYonnaise et les Zonzons) ont tout juste une heure pour balayer l'histoire du théâtre, d'Eschyle à Pommerat. Et, ô miracle !, l'opération périlleuse est parfaitement réussie. Ils jouent une fausse conférence satirique dans laquelle ils enchaînent joyeusement les clichés pour mieux les retourner. Marie-Louise, engoncée dans son tailleur trop cintré, et Jean-Christophe, intellectuel en col roulé et chapeau noir, se livrent à une partie de ping-pong rhétorique drôle et sans temps mort.
Usant des ressorts comiques (Jean-Christophe est l'homme qui a traversé toutes les époques, SMS au Pape ou photo de Richelieu dédicacée à l'appui) et des ruptures de tons, ils n'oublient jamais l'objet de leur propos : renseigner sur les évolutions du théâtre. À chaque étape, correspond un exemple ; une situation farcesque pour le Moyen-Âge, une tirade d'Hermione pour le XVIIe siècle, la reconstitution de l'affrontement entre les pro et les anti Hernani quand Hugo bouscula le classicisme...
L'ensemble est d'une fluidité confondante, jusqu'à subrepticement aborder le XXe siècle, Brecht, la distanciation puis la prise de pouvoir des metteurs en scène sur les auteurs. Et comme le théâtre est un art vivant qui se nourrit du monde dans lequel il s'invente, nos chers conférenciers ont la délicatesse de rappeler que si il n'y a plus assez d'argent pour soutenir aujourd'hui la culture, il y en a toujours pour bouter les Roms hors de nos frontières. Sans jamais perdre de vue l'humour pour éviter de se faire sentencieux, les deux acolytes n'en distillent que mieux une idée politique du théâtre où même Mélenchon se fait une place de choix dans ce texte plus ciselé qu'il n'en a l'air.
Nadja Pobel