Avé

Road movie bulgare entre un garçon pétri de culpabilité et une fille mythomane, frondeuse et libre, ce premier film de Konstantin Bojanov possède le petit charme du cinéma d'auteur qui cherche la note juste plutôt que l'originalité. Christophe Chabert


Aimer ou non Avé relève presque d'une question d'humeur. Si on s'est levé du pied droit, le premier film de Konstantin Bojanov séduit par sa justesse permanente : pas de faute de goût, une maîtrise indéniable que ce soit dans les courbes de son scénario, le rythme avec lequel le cinéaste déroule ses séquences, la qualité du regard sur les atermoiements des personnages et même la distance qu'il pose entre eux et sa caméra.

Du pied gauche, c'est autre chose : impossible par exemple de ne pas inscrire Avé dans ce courant du cinéma d'auteur mondial(isé) qui s'obstine à creuser des fictions minimales, proposant des trajets ordinaires à des corps ordinaires, préférant le demi-ton au contraste, le réalisme au spectaculaire. C'était le cas, déjà, en début d'année, des Acacias, dont Avé est un peu le cousin bulgare.

Bulgare aux clichés !

Même sous-genre (le road movie), mêmes personnages opaques réunis par la force des choses traversant un bout de leur pays en se jaugeant l'un l'autre, oubliant d'observer le monde autour d'eux. Avé, cependant, lui est un peu supérieur, car Bojanov préfère la logorrhée au laconisme, le mouvement au surplace. Aussi parce que le film tire une réelle énergie du personnage qui lui sert de titre, adolescente fugueuse, menteuse et affranchie au verbe cru et au corps libéré, une énigme que la sidérante Anjela Nedyalkova achève de rendre fascinante à l'écran. C'est elle qui pousse Kamen, jeune artiste introverti, pétri de culpabilité suite au suicide de son meilleur ami sur la route pour assister à ses funérailles, à sortir de sa coquille et exprimer ses sentiments.

Le tandem fonctionne, tout comme les étapes du voyage, illustrant les contradictions d'une Bulgarie en pleine mutation — entre une bourgeoisie autoritaire et un peuple bloqué au siècle d'avant. Bojanov arrive parfois à surprendre au détour d'une séquence par d'habiles contre-pieds scénaristiques, ou par un petit grain de folie qui s'incruste dans le cours des événements. C'est le programme général du film qui en manque, de surprises, notamment le dernier acte, retour à la réalité facile et prévisible sur l'air trop entendu des "amours perdus".


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Entre l'extase et la douleur