Les Invites de Villeurbanne 2012 : Invites pour tout le monde

Programmation des Invites de Villeurbanne 2012 : Le festival villeurbannais « pas pareil » vient de dévoiler sa foisonnante, éclectique programmation entre théâtre, danse, spectacles de rue, mimes, marionnettes, veaux, vaches, cochons, couvées, Didier Super en Christ sur BMX, des Grumaux, des carottes, et bien sûr de la musique de qualité à savourer en famille pour pas un rond. Stéphane Duchêne


«Les Grumaux sont toujours là où on ne les attend pas». Il n'y a qu'aux Invites que l'on peut vous présenter de cette manière un (ou des) artiste(s) présent(s) – en l'occurrence, ici, des voltigeurs à mi-chemin de Mad Max et des Marx Brothers, les Demi-frères Grumaux. Bienvenue au festival pas pareil qui, dans les rues de Villeurbanne et pour la modique somme de rien, opère un retour à ces festivités d'antan où l'on montrait des ours à la foule pendant qu'un acrobate cracheur de feu tentait de prendre le dessus sur un joueur de flûte. On exagère à peine.

Didier Christ Superstar

Or donc, les Invites viennent de dévoiler leur programmation, qui contient de Grumaux mais pas que. Au rayon saltimbanque bien bancal, Didier Super devrait faire le boulot avec sa désormais célèbre – bien que non encore joué à Broadway, sans doute pour d'obscures histoires de contrats – comédie musicale, sobrement intitulée Didier Super La Comédie Musicale! (Et si Didier Super était la réincarnation du Christ ?). Où il est question de milliardaire dépressif, de témoins de Jéhovah, et d'un président de la République déprimé. Ajoutons pour être tout à fait complet qu'à notre connaissance il s'agit-là de la seule comédie musicale au monde mettant en scène des cascades (ratées) en BMX – à se demander ce que branlent Dove Attia et Kamel Ouali.

Quelque chose nous dit que la proximité géographique entre le Nordiste et la compagnie belge Les Royales Marionnettes n'est pas pour rien dans la foutraquerie annoncée du spectacle Et ta sœur ? : où un, entre autres, vice-champion de lancer de crotte de nez affronte sa sœur spécialiste du perçage de tympans. Dans le même (?) esprit parodique, Utopium Théâtre s'attaquera, au sens propre, avec Il était une fois aux contes de fées et autres héros de notre jeunesse (Tarzan, Wonder Woman).

Guère moins fantaisiste, L'Eléphant vert, avec son « théâtre d'intervention déambulatoire » mettant en scène, dans Le Meilleur ami de l'homme, des Homme-chiens. Même réflexion pour la compagnie Tu t'attendais à quoi ? et leur Domino Bomba où trois comédiens « ferrailleurs-machinistes-philosophes » mettent au point le kamikaze durable.

Corps Migrateurs

Le n'importe quoi, le loufoque, l'artistiquement libéré, c'est un peu la marque de fabrique des Invites, au point qu'on avoue humblement – en tant que non spécialiste de tout et donc un peu spectateur lambda – ne pas totalement saisir la teneur de certains spectacles, comme celui de Kubilaï Khan Investigations : Comme la main s'enroule. Mais parfois la réputation d'une compagnie suffit à convaincre a priori.

Il y a aussi des noms étranges, comme la Clique sur la Mer et son Orphéon sur la Ville, un sextet, qui nous promet des valses felliniennes (alors d'accord, tope-là). Des noms plus familiers comme les Lyonnais de La Hors De qui invitent des amis Burkinabés (Téguérer-Danse) pour une pièce sans frontière baptisée Corps migrateurs, questionnant cette «Liberté de circulation», tant remise en cause.

Heureusement, aux Invites, on circule librement, ainsi que Chez Leandre : «Leandre, dans la rue tu es chez toi» auquel celui-ci répond «je suis un clown et la rue est ma maison». Vous l'aurez compris, Leandre Ribera est, tout comme son homologue chilien, Tuga, un clown de rue et un mime – l'AFMA (Association Française des Mimophobes Associés) est priée d'aller soigner son mal ailleurs le temps de la durée des Invites pour ne pas dégoûter son prochain.

Parmi les temps forts annoncés, le spectacle tout en échafaudage imaginé par Luc Amoros : Pages Blanche, Chroniques enluminées, présenté comme une bande-dessiné grandeur nature.

Tout puissant

Côté musique, depuis deux ans, les Invites remettent le paquet. On commence par une petite mention aux Lorrains de Marie Madeleine, au croisement de New Order, de Justice et de Sisters of Mercy (le résultat est assez étrange et rappelle un peu les ambiances de laminoir), et Sizarr, mélange d'afro-beat et de new-wave.

Curiosité au rendez-vous également pour le «one man band à trois têtes» – un concept en soi –  Monofocus (on n'en dit pas plus). Et bien sûr avec la reine des connes, des zazous et de tout ce qui s'ensuit, Brigitte Fontaine. Puis on salue notamment la venue du mythique slammeur, acteur, rappeur, Saul Williams et le retour du popeux cockney Baxter Dury après son très classieux concert de l'Epicerie Moderne à l'automne, ainsi que les excellents Boogers et General Elektriks.

Autant de «noms» qui ne devraient guère faire d'ombre au tout puissant orchestre Poly-rythmo, sans doute le plus vieil orchestre d'Afrique (42 ans d'existence) et véritable légende béninoise en matière de soul, funk et afro-beat. Avec en ouverture les burkinabais Kokondo Zaz & Sahab Soanda, surnommé le «roi de la poubelle» pour sa musique développement durable à bases d'instruments de récup'. Le Burkina qui sera également – et décidément – à l'honneur avec la compagnie Kouka mélangeant danse, musiciens et marionnettistes dans une revisitation de Roméo et Juliette intitulée Romi & Julie incarnés par des...carottes. Ou comment, avec des carottes et des Grumaux, résumer la folie douce du menu des Invites.


<< article précédent
Comme un écho