Docteur Baker


Le «flux de conscience», c'est à cette technique littéraire que Nicholson Baker s'est attaché pendant une bonne partie de son œuvre. Soit une narration qui suit le processus de pensée du personnage. Exemple phare : son premier roman La Mezzanine.

L'histoire d'un type qui casse ses lacets de chaussure et profite de sa pause de midi pour aller s'en racheter. C'est moins cette quête, bien dérisoire, que l'on suit au finale que le flux des pensées digressives du personnage. Au point que les notes de bas de page finissent par littéralement manger le texte initial.

Un procédé – périlleux exercice de style – qu'il reprendra dans À servir chambré – ou comment vingt minutes d'allaitement peuvent servir de prétexte à refaire le monde, excellent résumé de toute une oeuvre –, Une boîte d'allumettes ou La Taille des pensées, développant une sorte d'animisme matérialiste (l'importance des objets, de leur fonction, de leur impact sur nos vies) et de fascination pour la sérendipité de la pensée, qui le rapprochent d'une certaine manière de l'obsessivité d'un Proust.

L'autre aspect important de l'œuvre de l'Américain, pour laquelle il est invité aux Assises, est l'érotisme et la pornographie, abordé par le prisme de la conversation téléphonique dans Vox, sur le sexe par téléphone (en gros), qui conserve l'approche bakerienne des choses ou Le Point d'Orgue, dans lequel le héros a le pouvoir d'arrêter le temps et en profite pour devenir voyeur. Auteur joueur et plein d'humour, sondeur d'âme et de corps, Baker revient cette fois avec un livre encore plus fou : La Belle échappée, où l'on accède «par tous les trous» à un monde parallèle : parc à thème sexuel et complètement loufoque où la baise joyeuse et bon enfant est la règle. Manière de montrer qu'entre flux de conscience et fluides corporels, il n'y a pas de frontière.

Stéphane Duchêne

L'Écriture de la sexualité (avec Céline Minard, Eric Marty, Sara Stridsberg)
Dimanche 3 juin à 19h30


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