Nuits Sonores – Samedi 19 - Report

Sept lieux, six sessions de 9h de live, trois concerts spéciaux. Il fallait bien ça pour fêter les dix ans de Nuits sonores, fleuron européen de la musique électronique (et plus si affinités). Compte-rendu du jour 4. Benjamin Mialot


Trois sur neuf. Nous n'avons deviné les noms que de trois des neuf invités qui, hier, se sont relayés jusqu'au petit jour aux platines de la secret stage des anciennes usines Brossette. Même pas la moyenne. Nulle incompétence derrière ce pronostic de parieur mutuel urbain du dimanche, seulement le reflet du crédit que l'on accorde à Nuits sonores. Quitte à éprouver des regrets là où tout ne devrait être que gratitude.

 

 



Stage divin

Il faut reconnaître qu'Arty Farty nous a fait un beau cadeau avec ce secret stage, foulé dans l'ordre par Clara Moto, The Hacker, Gesaffelstein, Oxia, Dixon, un Ricardo Villalobos tout juste remis de son examen du très exigeant catalogue du label ECM aux Célestins, Brodinski, Agoria et Laurent Garnier. Reconnaître également que, même si nous étions en attente d'une surprise qui n'est jamais venue, d'un defining moment dépassant la simple coopération intergénérationnelle, une page de l'histoire du festival s'est écrite hier soir, d'une plume trempée dans la sueur et la sérotonine. Reconnaître enfin que, si l'idée pour l'équipe de Vincent Carry était, comme on le pense, de dresser un bilan festif de la décennie écoulée plus que de créer l'événement à tout prix, le contrat est rempli. La fiévreuse euphorie qui a régné du début à la fin de ce marathon d'une renversante constance (et a atteint son apogée pendant le duel des crapoteurs en costards The Hacker et Gesaf, plus cataclysmique qu'un soulèvement de robots) en est la preuve. Le fait que nous n'ayons dans l'intervalle quasiment pas foutu les pieds ailleurs aussi.

Après la grêle, le champagne

Mais c'est bel et bien ailleurs que se sont jouées les plus belles heures de cette dernière nuit. Plus précisément sur la scène Red Bull, où Kode9, père spirituel du dubstep, s'est fendu d'un chouette set taillé pour les stroboscopes et où Chris Clark nous a permis d'établir, au terme d'une prestation d'une violence et d'une inventivité inouïes (imaginez la parade nocturne des parcs Disney se faisant dépiauter par les screamers du film Planète Hurlante) que, en musique comme en fiction, les méchants sont souvent plus intéressants que les gentils. Le photographe des Nuits, accueilli par une tape et un cinglant «fuck off», l'a appris à ses dépens. Pauvre bonhomme. Déjà que l'après-midi pluie et grêlons ont dû l'empêché d'immortaliser correctement le troisième NSDay.

En même temps, ce n'est pas comme s'il s'y était passé quelque chose de vraiment mémorable : sur la dizaine d'artistes programmés, seuls Siriusmo et Jeffrey Lewis ont tiré leur épingle du jeu. Le premier via un exercice de n'importe quoi contrôlé bien plus raccord avec l'esprit Monkeytown que le mix flambeur et bas de la casquette servi par Modeselektor. Jeffrey Lewis grâce à son allergie naturelle à la grandiloquence et à la banalité, deux défauts dont le reste du plateau rock, du feel good rock périmé d'avance des Black Jaspers au swamp blues excessivement théâtral de Galon Drunk, ne manquait pas. D'une manière générale, la seule fausse note de cette dixième édition aura émané de cette ouverture plus marquée aux musiques électriques (une erreur de jeunesse de la part d'un festival, si ça ce n'est pas un comble). Dans le fracas d'anthologie qui a rythmé ce happy birthday, c'est à peine si on l'a entendue.


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