Sur la route

On se demande encore ce qui a motivé Walter Salles a porté le roman de Jack Kerouac à l'écran, tant son adaptation tombe dans tous les travers du cinéma illustratif, académique et laborieux. Christophe Chabert


La longue et tortueuse gestation de Sur la route, passé entre beaucoup de mains dont celles, prestigieuses, de Francis Ford Coppola, n'explique que partiellement la médiocrité du résultat final, signé Walter Salles. Car autant on peut comprendre ce que le cinéaste d'Apocalypse now pouvait voir de mythologies américaines dans le bouquin de Kerouac mais aussi de résonances personnelles, autant le Brésilien aborde ce matériau avec un œil extérieur, réduisant la chose à un témoignage sur les fondations de la culture beat. Très vite, Sur la route n'est qu'une affaire de reconstitution appliquée où tout est réduit à sa dimension décorative, Salles voyant dans ses écrivains balbutiant qui nourrissent leur vie de road trips et d'expériences sexuelles et narcotiques les ancètres de nos hipsters modernes.

Sens unique

À ce titre, le casting fait particulièrement gravure de mode : trop beaux, trop propres, trop lisses, tous semblent déjà prendre la pose pour les photos promos à venir. Cette aseptisation s'étend à toutes les strates du film : les étapes des voyages, comme autant de dépliants touristiques, le rapport à la musique, bousillé par un montage hystérique qui empêche de saisir les émotions des personnages, ou la représentation de la sexualité, d'un puritanisme larvé, tout sauf érotique et charnelle. Quant au récit lui-même, il peine à dépasser de très hollywoodiennes conventions où l'amour est forcément une longue quête frustrante, l'amitié une affaire de mauvais timing et la création artistique un exutoire aux impasses de sa propre vie. C'est à la fois pauvre et cliché et ça porte un nom : l'académisme.


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