Sur les traces de Rodanski

La bibliothèque de la Part Dieu accueille jusqu'au 24 août «Les Horizons perdus de Stanislas Rodanski» et rend hommage à cet auteur lyonnais trop méconnu grâce à cette exposition tentant de retracer le parcours mouvementé de cet écrivain singulier. Des manuscrits, lettres, revues, journaux, peintures, photographies ainsi que des documents sonores et audiovisuels inédits, lèvent le voile sur une expérience littéraire poussée au-delà des limites de l'esprit. Gaël Dadies


En 1990, l'hôpital psychiatrique de Saint-Jean de Dieu dépose à la bibliothèque de Lyon vingt-cinq cahiers et carnets manuscrits ayant appartenu à Stanislas Rodanski. Celui qui aimait se présenter comme «le dernier surréaliste vivant», mouvement duquel il avait été exclu pour «activité fractionnelle», est décédé neuf ans plus tôt derrière les murs de cette institution dans laquelle il était volontairement interné depuis 1954.

Si depuis cette date le silence de Rodanski était devenu presque total, à l'image de cet isolement, de cette distance mise entre lui et la société en se réfugiant à l'asile, le poète n'a jamais cessé d'écrire et de poursuivre une œuvre singulière. La publication en 1975 de La Victoire à l'ombre des ailes, rédigée presque trente ans auparavant et préfacée par Julien Gracq, concrétise en quelque sorte cette perpétuelle recherche d'une langue capable de traduire une existence à la dérive.

«La voix que j'entends m'emprunte et je la suis»

L'exposition propose d'aborder ce mystère que fut Rodanski à travers de nombreux manuscrits, cahiers et carnets révélant l'élaboration acharnée d'une œuvre inclassable. Car, pour cet auteur né à Lyon en 1921 et figure historique du surréalisme qui trouva le titre du journal Néon en 1947, la littérature ne pouvait être vécue que comme une expérience totale. Se refusant à la simple évocation biographique et chronologique, cette exposition se penche sur l'inépuisable inspiration d'une vie entière vouée à l'écriture et sur ce combat perpétuel menée contre un psychisme si fragile. Parmi les pièces les plus marquantes de ce matériau unique constitué par le fonds de la bibliothèque Jacques Doucet (bibliothèque universitaire patrimoniale et de recherche, rattachée à la Chancellerie des universités de Paris http://www.bljd.sorbonne.fr/) et les cahiers et carnets de Saint-Jean de Dieu, se trouvent deux lettres : l'une adressée à André Breton, écrite en avril 1950 depuis la prison Saint Paul, et une autre à l'attention de Julien Gracq rédigée en juillet 1951, ainsi qu'une installation audio où l'on peut entendre la voix rocailleuse de Rodanski, articulant à peine.

Également visibles, le fameux Cahier Imago, mélangeant collages et images, et le livre-objet conçu par Jacques Monory pour une édition très limitée de La Victoire à l'ombre des ailes : une mallette percée de deux impacts de balles contenant un exemplaire du livre et un revolver. Un hommage nécessaire à celui qui écrivait «Je suis ce qui n'est pas, ce qui sera et n'aura pas été.»

Les Horizons perdus de Stanislas Rodanski
À la bibliothèque de la Part Dieu
Jusqu'au vendredi 24 août


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