Moine refroqué

Formation parmi les plus précieuses du paysage rock des années 1990-2000, spécialisée dans la nage à contre-courant, The Married Monk se reforme le temps de quelques concerts qui réveilleront de précieux souvenirs musicaux. Stéphane Duchêne


Alors qu'on a pris l'habitude de voir régulièrement se produire sur scène le désormais Lyonnais Christian Quermalet, qui plus est récemment débauché par les Marquises en tant que batteur, on n'est pas fâché d'assister, avec The Married Monk, à l'une des belles reformations de cette année. Et Dieu sait s'il y en a eu. Car sans en avoir l'air, sans toucher à une popularité folle comme nombre de ses collègues hexagonaux souvent moins méritants, The Married Monk fut un temps le meilleur groupe du Monde de France, tout en ne produisant que très peu de disques (à peine une demi-douzaine en quinze ans, en comptant large) et en changeant constamment d'effectif. Alliant audace et efficacité, quand d'autres ne savaient sur quel pied danser face à ces deux notions, et osant chanter en anglais quand cela était hautement proscrit par la «déontologie» radiophonique. Pondre des tubes sans chercher l'esbroufe, tout en effectuant le pas de côté nécessaire pour ne pas être attendu au tournant ou éviter les barrages – passant des guitares folk et autres orgues vintage de The Jim Side aux pianos et cordes de R/O/C/K/Y (sur lequel officiait Fabio Viscogliosi) – a toujours été un peu la spécialité d'un Moine Marié qui ne s'est jamais senti à sa place dans le cirque rock.

Nous les monstres

Le résultat ce sont des albums impeccables qu'on culpabilise de ne pas écouter assez souvent et qui recèlent des trésors d'invention. Chaque fois que l'on revient au groupe formé par Christian Quermalet et Philippe Lebruman – à ce jour les seuls membres d'origine toujours en place – surgit cette évidence qu'on a là affaire à une formation à la geste et à la feuille de route impeccable, alliées à un registre quasi infini. Le tout culminant en 2004 sur le somptueux The Belgian Kick (ne pas y voir d'hommage à Jean-Claude Van Damme) qui oscille entre coups de poings à l'estomac (Tell me Gary, Night Prince), dance (Pretty lads), caresses langoureuses (Love Commander, Totally Confused) et reprises lumineuses (Observatory Crest de Captain Beefheart, You Only Live Twice de John Barry). En 2008, The Married Monk a écrit la musique, jouée en live par le groupe auquel s'ajoutait Etienne Jaumet, d'un opéra pop consacré à la monstruosité, Elephant People, dont l'un des personnages avait cette réflexion : «Nous les monstres, aujourd'hui chefs d'œuvre de l'insolite, ne sommes-nous pas les éclaireurs avancés de l'humanité de demain ?». Sans le savoir, l'auteur du livret, l'Australien Daniel Keen, donnait la meilleur définition possible de cet inclassable trésor du rock français.


The Married Monk + Paloma
Au Périscope
Jeudi 7 juin


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