La Vie sans principe

De Johnnie To (HK, 1h47) Avec Lau Ching Wan, Denise Ho, Richie Ren


La crise de la dette filmée par Johnnie To, on ne pouvait rêver projet plus improbable. Passé l'étonnement, le dernier maître du polar honkongais pourrait bien être l'auteur idéal. Depuis longtemps, To ne cesse de bâtir son cinéma géométrique autour d'un principe de diagramme. Chez lui, tout est lié et n'est qu'une question de rapport entre les individus. La Vie sans principe vient approfondir la mathématique de ses films, pour adapter son économie (stylistique et métaphysique) au capital. Tout repose donc ici sur trois destins croisés liés à l'argent : une employée de banque sous pression, une petit malfrat courant après le fric pour son boss, un flic assistant intimement au sentiment d'effondrement général. To n'a rien perdu de sa malice, et le film joue avec une espièglerie jubilatoire de l'ironie du destin et d'un système financier aussi absurde que sans foi ni loi. Si les parties ne sont pas égales (la première, rapport ultra réaliste sur l'exploitation des petits épargnants, se révèle la plus passionnante), l'ensemble tient au final par sa description personnelle et cinglante de la crise. Puisque chez To l'interdépendance domine, sa vision du darwinisme économique est une belle occasion pour  traiter l'argent comme d'un noeud amoral. Il est surtout une opportunité pour s'amuser du hasard, ou plutôt du facteur inconnu. Manière de dire que l'incalculable est la promesse d'un nouveau problème à résoudre, et donc d'un autre film à imaginer.

Jérôme Dittmar


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À perdre la raison