Théâtre à papa

Festival d'Avignon (7) / Stéphane Braunschweig


A Avignon, la fatigue commence à se faire sentir chez les festivaliers et les files d'attente ressemblent un peu à un samedi chez Carrefour. Ca râle, ça gruge dans la queue, ça se balance des noms d'oiseaux, mais on finit quand même par entrer.

En l'occurrence au cloître des Carmes, où Stéphane Braunschweig, directeur du théâtre de la Colline, met en scène Six personnages en quête d'auteur, de Luigi Pirandello.

L'espace est coupé en deux : à jardin, un espace totalement blanc, en attente ; à cour, un espace de travail composé d'une table, de quelques chaises et d'un canapé. C'est là que Stéphane Braunschweig décide de commencer la pièce, en ajoutant un prologue au texte de Pirandello. Un metteur en scène retrouve ses quatre acteurs pour une séance de travail à table. Les acteurs émettent des doutes sur la pièce choisie par le metteur en scène, ils veulent la couper, improviser. S'en suit un débat sur ce que doit / devrait être le théâtre contemporain, la place du personnage, du texte et de l'auteur.

Haussements de sourcils répétés et regards horrifiés de l'ado assise devant moi à l'attention de sa mère qui l'a traînée à la représentation. On la comprend un peu. Tout cela est certes bien sympathique et même vraiment drôle, mais voilà, on tourne en rond, on n'y entant rien de bien nouveau et surtout, ces réflexions sur «quel théâtre proposer aujourd'hui aux spectateurs» intéressent bien peu… les spectateurs !

Le prologue est finalement interrompu par l'arrivée dans la salle de six personnages à la recherche d'un auteur, car le leur les a plantés. Ils recrutent un volontaire pour écrire leur drame familial, le représenter. Mais pas n'importe comment. Cela produira évidemment des conflits entre les acteurs et les personnages et un brouillage des pistes entre la fiction et le réel.

La position de Stéphane Braunschweig n'est pas vraiment claire. Il choisit une pièce que les comédiens dénoncent dans son prologue comme «sentant la naphtaline» et à laquelle même le metteur en scène «ne croit plus». Conscient que cette pièce n'a pas grand-chose à dire sur aujourd'hui aux spectateurs d'aujourd'hui, il décide d'ajouter des «appendices» au texte d'origine où l'on s'interroge sur la mise en scène de soi-même et le «personnage» que l'on se construit, la prolifération des «auteurs»… Braunschweig choisit (comme beaucoup de metteurs en scène) de «dépoussiérer» une pièce. Un drôle de choix qui consiste à ne pas monter un texte contemporain, ni un «classique».

Une fois ces réserves évoquées, il ne faut pas tout jeter dans Six personnages en quête d'auteur. Si ce n'est pas forcément le genre de propositions théâtrales que l'on attend à Avignon et si la réflexion sur le théâtre qui y est développée n'a rien de fulgurant, Braunschweig fait une proposition qui tient plutôt bien la route, aidé par une distribution performante. Du théâtre à papa peut-être, mais du bon théâtre à papa.

Dorotée Aznar


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