Bougez avec le post

À force de jouer les têtes chercheuses du post-rock international, 65daysofstatic a fini par transcender les limites du genre. Si tant est qu'elles existent et le genre avec. Stéphane Duchêne


Dans «Le Grand Livre du post-rock» (Ed. Acouphènes et prise de conscience), l'une des règles tacites de la discipline est la suivante : puisqu'on fait de la musique compliquée et/ou peu commerciale (autre règle : «celui qui prononce le mot «commercial» prend un coup de rabot dans le tibia»), autant s'affubler de noms ronflants tels Godspeed You ! Black Emperor, A Silver Mount Zion, And so I watch from you afar ou le trop méconnu If my aunt had some she would be my uncle.

Bien sûr, il y a toujours quelques renégats pour s'appeler Mogwaï ou Mono (super renégats) mais ils ne l'emporteront pas au Paradis – lequel se situerait selon «Le Grand Livre du post-rock» dans une ancienne usine de toile de jute (pour pouvoir coudre soi-même ses pochettes). Mais revenons-en à 65daysofstatic (tout attaché) qui a su respecter à la lettre ce précepte. Le groupe de Sheffield, formé en 2001, précisant, sans qu'on sache vraiment s'il s'agit de la vérité ou d'un gros mytho, que ce nom leur est venu en hommage à un film mort-né de John Carpenter baptisé Stealth Bomber dont ils auraient dû assurer la bande-son. Une autre explication implique une histoire de CIA et de coup d'État au Guatemala en 1954, qu'il serait bien trop long d'expliquer ici.

Cyclisme et drum'n'bass

La thèse carpenterienne a au moins le mérite de la cohérence tant 65daysofstatic (tout attaché) fait figure d'étrangeté, genre The Thing, dans le monde pourtant déjà passablement perché du post-rock. Aux nappes d'éther du genre, aux envolées classiques et aux drones élévateurs – car oui, le post-rock a ceci de commun avec le cyclisme que le public n'attend qu'une chose : les ascensions, surtout quand, comme souvent, elles finissent au sprint avec un batteur dans le coma –, 65daysofstatic (tout attaché) ajoute très souvent une rythmique martiale. Avec un goût prononcé pour l'électronique dépravée et déboussollante, sous haute influence Aphex Twin, notamment dans ses penchants drum'n'bass. Mais aussi, oui madame, des passages résolument mélodiques. On passe rapidement ainsi de situations de véritable inconfort, à l'envie de danser ou, plus rarement certes, d'aller courir en toge dans des champs de coquelicots irradiés.

Bref, 65daysofstatic (tout attaché) a su pousser dans ses retranchements la notion de post-rock au point que l'on se demande s'il s'agit encore bien là de post-rock. Ce qui nous amène à cette question, sur laquelle devrait se pencher les frères Bogdanoff eux-mêmes : «mais au fond, le post-rock, c'est quoi ?». Ah et, pour info, les fans inconditionnels disent «65days» ou «65dos» ou «65)», comme on dit «Godspeed». Ce qui prouve que ça valait bien le coup de se casser le cul à trouver un nom qui claque.

65daysofstatic + Torticoli
Au Marché Gare
Jeudi 6 décembre


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