Le dessus des cartes


Graveur prématurément disparu en 2006, Marc Jurt a livré une série d'estampes qu'il considérait comme le point d'orgue de son travail avec l'écrivain Michel Butor : Géographie parallèle.

Ces cinquante œuvres, d'une extrême cohérence, sont exposées au Musée de l'Imprimerie et offrent un voyage planétaire. Marc Jurt n'en était alors pas à sa première collaboration littéraire car il avait déjà formé un duo avec le fiévreux auteur suisse Jacques Chessex. La Suisse ouvre d'ailleurs l'exposition. Elle est transformée en "archipel". Dans chaque tableau, une carte (de ville, de pays, de continent, de mer ou d'océan) déstructurée, raturée, grattée à la pointe sèche ou à l'eau forte et, au-dessous, quelques lignes manuscrites de Michel Butor, des sortes de poèmes en prose, miroirs de l'image.

Dans ce parcours, on remonte aux philosophes grecs en cherchant l'Atlantide - Butor convoque alors Platon et le capitaine Nemo, ou on se cogne au conflit sino-tibétain avec une carte de l'Himalaya recouverte d'un dragon chinois. Parfois, il est question de guerre lorsque Marc Jurt écorne une carte de France. Plus d'Alsace-Lorraine ni de Savoie, l'hexagone est rabougri et l'œuvre d'art devient aussi message politique et témoignage historique. Mais l'onirisme rode et mêle les tourments célestes et terrestres en un même mouvement dans «Parade météorologique». La carte du monde est agressée par de grands traits noirs tournoyants.

Et Michel Butor de délicatement compléter : «ce sont les empreintes digitales de la planète qui en change chaque jour – pas seulement pluie, neige, grêle mais aussi les cyclones d'informations, ouragans d'images, dérives cinématographiques ou télévisuelles, raz de marée publicitaire, migrations touristiques et les exodes, menaces, terreurs, les hurlements».

Nadja Pobel

Géographie parallèle
Au Musée de l'Imprimerie
Jusqu'au dimanche 14 octobre


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