Images à vendre

La Biennale de la danse démarre lentement voire laborieusement avec deux spectacles surfaits : du butô frelaté signé Sankaï Juku, et un solo de Jan Fabre en manque d'inspiration… Jean-Emmanuel Denave


La première semaine de Biennale a été marquée du sceau du rituel… Rituels butô, rituels traditionnels balinais (pas vus), rituel funéraire à la sauce Jan Fabre… Comme nous le redoutions, le choc Sankai Juku (célèbre compagnie butô japonaise) a bien eu lieu à l'Opéra et sonnait aussi creux sur scène qu'un supplément d'âme frelaté pour public occidental crédule. Dans des décors et des lumières certes superbes, la création Umusuna nous proposait rien moins que de remonter aux origines mystérieuses de la vie. Avec Sankai Juku, même les larves (des danseurs poudrés de blanc se tortillant au sol sur une sorte de musique new-age bidon, tendance Ushuaïa) sont jolies et fréquentables ! Tournicoti tournicoto, gesticulations vers le ciel par ci par là, cris étouffés à la Munch accompagnés parfois de claquements de mâchoires pour mieux gober d'invisibles mouches, les rituels de pacotille d'Ushio Amagatsu sont de jolies images à vendre (et bien vendues du reste) sans qu'il n'en émane la moindre émotion ni le moindre trouble.

Jan Fabre sans caféine

Le Flamand Jan Fabre présentait quant à lui sa dernière conquête féminine (la danseuse Annabelle Chambon pour qui la pièce a été créée en 2010 était remplacée à Lyon par Lisa May) dans un solo de «préparation à la mort». Salle noire pendant dix minutes, grandes embardées d'orgues saturées… Le chorégraphe montre qu'il a encore quelques clefs dramaturgiques sous la main avant de nous plonger dans l'ennui une heure durant avec quelque 1200 fleurs jonchant le plateau. Au milieu de ce joli parterre bariolé et odorant, l'interprète en sous-vêtements noirs se livre généreusement à tout un registre de tremblements, spasmes et arcs hystériques, assez érotiques parfois il est vrai… Ah l'érotisme, cette acceptation de la vie jusque dans la mort comme l'assenait Bataille ! Mais encore faut-il transgresser, ployer les corps jusqu'à leurs limites, et pas seulement paresser et paraître (de belles images une fois encore !). Si Jan Fabre joue avec quelques symboles et petites provocations (enfourner des bouquets entre ses cuisses, darder sa langue vers le public), il a l'air de faire seulement son «job», et s'enlise même dans une seconde partie où l'on voit Lisa May tracer longuement sur une paroi un taureau, un oiseau, un volcan et un… phallus ! De quoi faire rire nos ancêtres de la Grotte Chauvet, autrement plus ambitieux il y a quelque 30 000 ans.

15e Biennale de la danse
Jusqu'au dimanche 30 septembre


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