Le dernier folkeux sur la gauche


C'est connu, on conseille généralement la plus grande méfiance dès lors que s'approche un type prénommé Francis (Lalanne, Cabrel...) tenant en ses mains une guitare – surtout s'il parle de la caresser comme une femme ou des trucs chelous dans le genre. Si en plus il se met à chanter, il convient d'agiter les bras, comme on le fait dans les parcs nationaux américains pour effrayer les couguars, ou de fuir – comme n'importe quelle créature vivante devant une menace ou un album de reprises de Bob Dylan par Francis Cabrel.

Ici, pas bouger, cette règle ne tient pas. Le type s'appelle pourtant Benjamin FRANCIS Leftwich et n'échappe pas à un certain nombre de clichés folk actuels : chemise à carreaux, cheveux en quinconce, voix aiguë pas du matin – ni même de la journée –, ambiance amniotique, et titre d'album qui fleure bon la feuille humide et le monde qui s'effondre : Last smoke before the snowstorm – avec pochette façon «j'ai fouillé le grenier de mémé, regarde ce que j'ai trouvé, on peut en tirer au moins cinq euros».

Mais le jeune BFL, 21 ans, parfois comparé à Nick Drake (parce qu'il est Anglais et sait poser plus de trois arpèges, à part ça...) sait comment vous attraper par les poils des oreilles, entre la légèreté d'oisillon tombé du nid d'un Elliott Smith pré-mazoutage et un Bon Iver guéri de son syndrome de Phil Collins. Sans oublier cet art de l'arrangement haute-couture au tombé (trop?) parfait qui témoigne du talent d'un type capable de reprendre le Rebellion d'Arcade Fire et d'en faire une berceuse à jouer sous les lits des jeunes filles, ou d'absorber un remix du rapper Mike Skinner comme normal. A une lettre près, Leftwi(t)ch signifie «sorcière de gauche». On est effectivement à un pas de côté de l'ensorcellement.

Stéphane Duchêne

Benjamin Francis Leftwich
À l'Epicerie Moderne
Jeudi 27 septembre


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