Dinosaur Jr

I Bet on Sky (Jagjaguwar/Pias)


Avec les années, pas loin de trente, Dinosaur Jr aurait peut-être eu meilleur goût de se rebaptiser Denver (ou Amherst, du nom de leur bled d'origine), le dernier dinosaure. Entendez : dernier dinosaure du grunge et de ce mouvement slacker (« branleur » en Français) qui lança tendances et mouvements artistiques muant la force d'inertie d'une génération en théorie du chaos quotidien : du Slacker de Richard Linklater à Clerks de Kevin Smith, du Génération X Douglas Coupland à Harmony Korine en passant par le Reality Bites de... Ben Stiller.

Sauf que la bande d'un J Mascis rabiboché depuis 2005 avec ses bassiste et batteur historiques (le grand Lou Barlow, prince protéiforme de la lo-fi (Sebadoh, Sentridoh, Folk Implosion, ...Lou Barlow), et Murph, main lourde mais roi du break) tient plus, malgré l'épaisseur de son cuir, du gardon tout frais que du fossile de Placoderme.

Pour son troisième album depuis la fameuse reformation, l'antique trio du Massachusetts revient en effet dans une forme éblouissante qui sent la reprise du sport et le brûlage de canapé. Après deux exercices plutôt inégaux, et une superbe escapade débranchée de J Mascis en solo, ce I Bet on Sky, saute d'entrée à la gorge à coups de riffs mélodiques qui n'aiment rien tant que s'enrayer avant de dérailler en soli déglingués.

On retrouve alors immédiatement cette impression d'avoir affaire à un taille-haie qui aurait le pouvoir magique de composer des hymnes pop chantés par le type qui sort les poubelles (I know It's Oh So Well).

Qu'il soit joué à mille à l'heure (Watch the corners, Pierce the Morning Rain) ou en mode laid-back (Almost Fare, Stick a Toe in, preuves que l'incendie du canapé n'a pas complètement pris et qu'après le sport on ouvre les bières), qu'il porte la patte et la voix reconnaissables entre mille de Lou Barlow (Rude, Recognition), ou s'agenouille devant le totem de Neil «Cortez the Killer» Young, I Bet on Sky ajoute un volume de poids à une œuvre qui continue d'être le plus beau «Traité musical de désinvolture» qui soit.

Et, histoire de nous remettre les idées en place, nous en colle un bon coup sur la cafetière.

Stéphane Duchêne


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