Ne soyez pas pingres avec Ingres

Le Musée des Beaux-Arts lance une souscription publique afin d'acquérir une œuvre d'Ingres jamais exposée. En plus de l'argent récolté auprès de ses fidèles entreprises mécènes, le musée appelle chacun à contribuer l'achat final de ce tableau. Don minimum fixé à un euro ! Nadja Pobel


L'argent public manque, ce n'est un secret pour personne. L'arrivée de la gauche au pouvoir entérine une baisse du budget de la culture et même si la Ville de Lyon consacre toujours 20% de son fond à ce portefeuille, la culture a besoin de mécènes comme dans les pays anglo-saxons où cette pratique est depuis longtemps développée. La France commence tout juste à oser piocher dans cette manne financière.

En 2008, le musée des Beaux-Arts de Lyon avait acquis La Fuite en Égypte de Poussin grâce aux dons des entreprises. L'an dernier trois œuvres de Soulages sont tombées dans son escarcelle, qui donneront lieu à une vaste exposition sur le peintre français incontournable à partir du 12 octobre. Et, ce mois-ci, pour la première fois, l'équipe du Musée a eu l'idée de faire appel au tout-venant.

Outre, la somme d'argent à récolter, l'idée est aussi presque pédagogique : «il s'agit de s'approprier le musée et d'élargir le public» comme le disent de concert Sylvie Ramond, directrice du musée et Georges Képénékian, adjoint la culture et aux grands événements de la Ville de Lyon. Seuls les musées du Louvre (Les Trois Grâces de Lucas Cranach l'Ancien) et le musée Courbet d'Ornans (Le Chêne de Flagey de Courbet) ont fait de même, avec un large succès pour Paris – la souscription est toujours en cours dans le Doubs.

Troubadours

À Lyon, le tableau soumis à souscription est L'Arétin et l'envoyé de Charles Quint, un tableau de petit format (41, 5 cm X 32, 5 cm) peint par Ingres en 1848 et représentant l'écrivain italien Pietro Aretino, dit l'Arétin, refusant avec indolence la chaîne en or transmise par le roi Charles Quint pour acheter sa complaisance. Toute la dichotomie entre la puissance du pouvoir politique et la liberté de l'artiste s'y exprime.

Si Sylvie Ramond souhaite que ce tableau rejoigne les collections du musée, c'est qu'il s'inscrit dans la lignée de la peinture troubadour, mouvement né à Lyon avec des artistes qui ont renouvelé la peinture d'histoire au début du XIXe siècle. Si d'aventure le tableau est acheté par le Musée, une grande exposition sur ce sujet sera présentée dès le printemps 2014. Ce tableau sera alors une pièce maitresse de cette exposition car il n'a jamais été présenté nulle part puisqu'entre les mains de collectionneurs privés jusqu'en 2010.

Sur la valeur totale du tableau (750 000€), 670 000€ ont déjà été récoltés auprès de la Ville de Lyon, les entreprises du Club du Musée Saint-Pierre, les particuliers membres du Cercle Poussin et le FRAM (Ministère de la Culture-DRAC, Région Rhône-Alpes). Il ne manque plus que 80 000€. Les dons auprès des particuliers sont ouverts jusqu'au 15 décembre. Chaque montant remis (même un euro) sera déductible fiscalement à hauteur de 66% et chaque donateur sera remercié nominativement (dans le musée et sur le site internet) et bénéficiera d'un laissez-passer pour découvrir le tableau dans les salles où sont déjà exposés deux autres toiles du peintre français : L'Odyssée, études pour L'Apothéose d'Homère et L'Etude de main pour ce dernier.
 
Souscriptions sur www.donnerpouringres.fr jusqu'au 15 décembre 2012
 


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