Rone sur Rhône

Alors que son deuxième album sortira trois jours après son live à La Plateforme, Rone nous confirme déjà que la musique électronique est toujours capable d'immenses surprises. Et que le label InFiné sait décidément en flairer les plus beaux talents. Stéphanie Lopez


Premières volutes oniriques échappées de l'auguste Tempelhof, et déjà on s'installe dans un calme olympien, le sofa par-dessus les lumières de la ville, tout notre intérieur semblant soudain flotter dans l'espace. Ce qui règne en cet espace-son qui efface aussi le temps est une rare sensation d'harmonie, la musique comme une plénitude qui remet tout à sa juste place.

Everything in its right place, a déjà dit Radiohead, et c'est ce que Rone répète, sans mot dire et à la seule lueur de ses machines, sur le majestueux Tohu-Bohu. "Tohu-Bohu", nom masculin invariable, dixit Larousse : «grand désordre, agitation bruyante». Pas possible.

On flotte nous-même dans une paix suprême : ce titre est un malentendu. À moins que le tohu-bohu soit plus variable qu'il n'en a l'air, et que Rone l'entende autrement. Plutôt du côté de Nietzsche, qui a réhabilité la notion de désordre en postulant que l'harmonie naît du chaos.

En quittant Paris pour s'exiler à Berlin, Erwan Castex explique ainsi ce titre détonnant : à l'issue de Spanish breakfast, premier album sorti en 2009, «j'ai vécu trois années de frénésie et d'égarement durant lesquelles j'ai tenté de mettre en forme le gros bordel créatif qui jaillissait de toutes parts.» Tohu-Bohu comme pour dire alors que les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent. Et que le chaos se canalise, finalement.

"Icare" because you do

Derrière les violons d'Icare se profile déjà l'album qui pourrait devenir un mythe électronica, en reprenant le trône vacant laissé par Boards Of Canada.

En s'envolant loin du dédale minimal et du Berlin du Berghain, la musique de Rone sonne au contraire comme la panacée pour parer au commun du boum-boum et à la clubitude ordinaire. Ainsi Parade, que l'on verrait bien illuminer un dancefloor au petit matin, reprend davantage la danse et le flambeau de Plaid (période Not For Trees) que l'autoroute pour la turbine Kompakt.

Plus proche du rêve éveillé que de la rave avinée donc, Tohu-Bohu est pourtant appelé à prendre corps en live, mettant son auteur au défi de chambouler ses tracks davantage conçus pour l'écoute au casque. Peut-être lui faudra-t-il mettre sa Grande Ourse sans dessus-dessous pour nous renvoyer dans les étoiles, nous surprendre encore, et faire chavirer La Plateforme dans un grand charivari sonore.

Rone
À la Plateforme, vendredi 12 octobre


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