Missile solaire

Toujours aussi affûté dans sa politique d'import/export (d'import surtout), le Kafé nous dégoupille cette semaine Monogrenade. Une bombe québécoise lancée très haut et qui ne devrait pas tarder à exploser. Stéphane Duchêne


Quand un groupe a pour leaders un type nommé Jean-Michel Pigeon (précisons, pour ceux qui auraient suivi l'actualité médicale de ces dernières semaines, qu'il n'est pas médecin) et une fille baptisée Martine Houle, on ne peut que se laisser avoir et/ou emporter.

 

En tant que groupe québécois aux paroles saugrenues – visiblement une marque de fabrique locale – et aux ambiances à l'avenant, Monogrenade est le digne héritier d'un groupe comme Malajube – filiation évidente sur De toute façon. En moins farfelu tout de même, malgré cet aveu :« de toute façon, nous on fait les cons ». Et sans doute, ce n'est pas un vain mot, en plus musicalement ambitieux.

 

On pourrait tout aussi bien, sur certains morceaux les qualifier d'Arcade Fire francophone pour ces morceaux aux structures complexes, cavalantes et volontiers dissonantes. Il y a des cordes tantôt mélancoliques – comme sur L'araignée ou le morceau final, La Fissure très Tindersticks dans leurs arrangements – tantôt un peu folles, et des rythmiques qui le sont tout autant. Des montées en mayonnaise comme les aiment tant les Canadiens, école Constellation (Godspeed You ! Black Emperor & co) et, ça va avec, quelques accalmies non dépourvues d'un lyrisme qui annonce toujours, d'une manière ou d'une autre, la tempête (viendra-t-elle ou non ?), comme sur le splendide D'un autre œil.

 

Tantale

Difficile d'ailleurs de ne pas trouver un morceau splendide sur le mal nommé Tantale – qui s'essaie même sur le titre éponyme ou sur Obsolète à cette électro hip-popisante et mange-cervelle dont tâta un tant Radiohead. Mal nommé, donc, car, contrairement au mythe grec, chaque fois que l'on se penche sur un morceau, loin de se dérober il étanche notre soif de nouveauté, de découverte, notre soif d'à peu près tout.

 

Il nous saoule même, au sens positif du terme quand sur l'hypnotique Ce soir, il nous métamorphose en derviche tourneur, en tenant sa promesse (« ce soir, je te fais danser ») avant de de s'effacer comme une belle jeune fille qu'on aurait fait tourner à notre bras avant qu'elle ne s'évanouisse dans la foule.

 

Quelque chose nous dit qu'en plus en concert, cette petite troupe a les moyens de ses ambitions. Et que si elle les avait assumés tout à fait l'album de la bande à Pigeon se serait baptisé Icare. Mais c'est peut-être tout à son honneur que de ne pas vouloir se brûler les ailes quand on sait qu'on vole à quelques centaines de pieds au-dessus du troupeau avec entre les pattes, une (Mono)grenade dégoupillée.


Monogrenade

Au Kafé

Jeudi 25 octobre à 20h (Gratuit)


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