Le Monde, la chair et le diable

Ranald MacDougall Wild Side, «Les Introuvables»


Années 50. L'Amérique est en pleine guerre froide et le péril atomique est une menace constante. C'est aussi l'époque de Martin Luther King et des luttes pour les droits civiques. C'est enfin l'arrivée des premières grandes séries télé, à commencer par La Quatrième dimension et ses fables réalistes reflétant, dans ses meilleurs épisodes, les angoisses des spectateurs.

C'est dans ce contexte qu'il faut considérer Le Monde, la chair et le diable, tourné en 1958. Ce récit post-apocalyptique d'un homme qui échappe à une dévastation atomique car, mineur de fond, il s'est retrouvé coincé à l'intérieur d'un puits, offre une synthèse parfaite de la période, politiquement et esthétiquement. Le pitch pourrait être celui d'un épisode de la série signée Rod Serling, du moins dans son premier acte — par la suite, MacDougall invente une histoire d'amour, puis un bizarre ménage à trois, avec deux autres survivants, tirant subtilement vers le mélodrame. Le film possède aussi son esthétique réaliste et son noir et blanc très contrasté, faisant de la production value à tour de bras pour imaginer un monde dévasté en collant au point de vue de son personnage principal. Surtout, ledit héros est incarné par Harry Belafonte, crooner black reconverti dans la comédie et accessoirement producteur du film. C'est l'audace principale du Monde, la chair et le diable : faire d'un noir le potentiel dernier homme sur terre, à un moment où l'Amérique rechigne encore  à leur accorder des droits égaux à ceux des blancs.

Là réside l'étrangeté du film : être à la fois une œuvre d'intervention au présent et une série B extrapolant les dangers qui guettent l'humanité toute entière. Le genre de petit trésor que l'excellente collection Les Introuvables de Wild side a pris l'habitude de proposer aux deniers acharnés de la cinéphilie en DVD.

Christophe Chabert


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