Aux voleurs


Après l'évocation de la Constantinople du XVIe siècle de Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, dans lequel Mathias Enard revenait sur la découverte de l'Orient par Michel-Ange, invité par le sultan Bayezid le Juste pour construire un pont sur la Corne d'Or, son dernier roman, Rue des voleurs (Actes Sud), s'ancre de plain-pied dans l'actualité brûlante du Printemps arabe et de la crise économique ébranlant un peu plus les pays du Sud de l'Europe.

Lakhdar, jeune Marocain vivant à Tanger, est chassé de sa famille après avoir fauté en couchant avec sa cousine. Livré à la rue, à l'errance, dépossédé de tout, il choisira de se lancer dans un périple à travers l'Espagne (jusqu'à Barcelone), dont les côtes visibles depuis Tanger sont la porte d'entrée vers un Eldorado européen fantasmé. Débouchant sur la découverte d'une société espagnole exsangue et d'une misère insoupçonnée par Lakhdar, ce livre est, plus qu'un album de voyage, le récit de la quête identitaire d'un héros se construisant à travers l'écriture, la langue et qui affirme : «je suis ce que j'ai lu, je suis ce que j'ai vu, j'ai en moi autant d'arabe que d'espagnol et de français, je me suis multiplié dans ces miroirs jusqu'à me perdre ou me construire, image fragile, image en mouvement.» Son auteur, lui, fera halte à la librairie Passages jeudi 22 novembre.

Gaël Dadies


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