Les questions (sciences) humaines

Matthieu Potte-Bonneville, philosophe, enseignant à l'Institut Français d'Éducation de l'ENS, président de l'assemblée du Collège International de Philosophie, à l'origine de la journée «Que fait-on des sciences humaines et sociales et de la philosophie». Propos recueillis par Christophe Chabert


Comment se sont imposés les thèmes de cette journée de tables rondes consacrées aux sciences humaines ?
Mathieu Potte-Bonneville : L'idée était non pas simplement de travailler sur les usages des sciences humaines, ce qui est d'une certaine manière la thématique de l'ensemble du festival, mais aussi de réfléchir à l'effet en retour de ces usages : comment les sciences humaines peuvent être transformées, modelées par les pratiques dans lesquelles elles sont mobilisées. C'est pour ça que j'ai travaillé sur la formule "Que fait-on des sciences humaines ?" ; elle peut s'entendre à la fois comme "comment on s'en sert" et "comment on les transforme". Le découpage de la journée s'est fait à partir de verbes d'action. Par exemple "Gouverner" : il y a un rapport intime entre sciences humaines et sciences du gouvernement mais, en même temps, si les formes du gouvernement changent, est-ce que ça change les sciences humaines elles-mêmes ? À partir du moment où on passe d'un gouvernement par un état protecteur à un gouvernement libéral, est-ce que ça a un impact sur le type de discours que les sciences humaines peuvent tenir, leur mode de scientificité ? Dans la dernière table ronde, "Transformer", l'idée est de faire un point sur les grands projets transformateurs dans lesquels les sciences humaines se sont reconnues : entre le positivisme à la Auguste Comte où les sciences humaines sont au fond pensées comme des sciences de l'ingénieur permettant un progrès social et des sciences humaines engagées dans un projet révolutionnaire à la façon marxiste, où en est-on aujourd'hui ?

Le choix des intervenants s'est-il fait avec l'objectif de produire du débat ?
Ce choix est le fuit d'une collaboration entre l'Université, la revue Tracés et votre serviteur. L'idée était d'avoir une pluralité de points de vue, mais en plusieurs sens. Nous voulions des gens qui ne sont pas forcément engagés du même côté de l'échiquier politique ; mais l'idée était aussi d'avoir des acteurs des sciences humaines qui se situent dans des espaces différents. Pour la table ronde "Conserver", il y a une pratique de l'Histoire qui se produit à l'université et qui a un rapport avec les archives, et une pratique de l'Histoire à la radio, ce que fait Emmanuel Laurentin sur France Culture et qui est précieux ; mais tout cela appartient de plain-pied aux sciences humaines. L'enjeu de la journée est de se demander ce qui se passe entre les sciences humaines qui se produisent dans les lieux de science et la manière dont elles peuvent circuler dans l'espace public.

«Que fait-on des sciences humaines et sociales et de la philosophie ?»
À l'Université Lumière - Lyon 2, mercredi 28 novembre


<< article précédent
Les voyants passent au rouge