En bonne compagnie créole


D'une drôlerie bouffonne et inattendue. C'est ainsi que le dictionnaire de l'Académie Française définit le terme cocasse, le plus approprié pour qualifier, du moins au premier abord, le projet dans lequel s'est lancée en 2011 la saxophoniste de jazz Matana Roberts, à savoir la composition et l'enregistrement d'une fresque musicale en douze chapitres et autant d'albums intitulée Coin Coin.

Au second abord, ce sont plutôt des adjectifs de la trempe de "audacieux" et "émouvant" qui se matérialisent entre deux souvenirs de la moustache Chevron de J.J. Lionel. Parce qu'il n'y est pas question de palmipèdes se secouant le bas des reins, encore moins de leur lien de parenté sonore avec l'instrument fétiche de la demoiselle.

Coin Coin, c'est en fait le surnom de Marie Thérèse Metoyer, esclave de Louisiane devenue femme d'affaires qui fonda au début du XIXe siècle une communauté créole et fût la première noire à bâtir une église aux États-Unis. À travers elle, Roberts convoque l'histoire afro-américaine, mais aussi sa propre histoire familiale - un des morceaux du premier volet, Les Gens de couleur libre, est dédié à sa mère, décédée en amont de l'enregistrement. Deux mémoires qu'elle lie dans de longs amas de cris de douleur et de spoken words, de spasmes improvisés et de digressions en sourdine évocatrices de ses collaborations avec les paysagistes rock de Godspeed You! Black Emperor et Tortoise. Pas de quoi rigoler donc. Mais de quoi vibrer, ça oui.

Benjamin Mialot

Matana Roberts
au Sonic, lundi 17 décembre


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