Jack Reacher

Très bonne surprise que cette série B qui tente de lancer Tom Cruise en nouveau justicier dans la ville, avec derrière la caméra Christopher MacQuarrie, qui montre qu'il connaît ses classiques et sait même, à l'occasion, en offrir de brillantes relectures. Christophe Chabert


Le film de justicier (ou vigilante movie) est un genre cinématographique qui demande au spectateur de laisser son idéologie au vestiaire, si tant est du moins qu'elle penche plus à gauche qu'à droite. En effet, le programme basique du genre consiste à : 1) montrer l'impuissance de la police et des institutions à rendre justice aux victimes ; 2) trouver une solution parallèle en la personne d'un homme solitaire, citoyen lambda ou militaire / policier en délicatesse ou en retraite de sa hiérarchie ; 3) le laisser zigouiller en toute impunité gangsters, flics ou juges corrompus ainsi que tout ce qui se présente comme un obstacle à l'accomplissement de sa mission.

Jack Reacher applique méthodiquement les règles, lançant ainsi une franchise très claire où Tom Cruise ferait figure de Charles Bronson du XXIe siècle, en plus séduisant  — il bouge une paupière, toutes les filles tombent sous son charme ; c'est quasiment un running gag du film.

Série Bien

Première bonne décision de Christopher MacQuarrie, scénariste de Usual suspects dont le précédent Way of the gun avait laissé le souvenir d'un film archi-complaisant envers sa violence sauvage : garder l'esprit série B qui sied en général au vigilante movie. Ici, les scènes spectaculaires sont plus portées par des idées de mise en scène que par une surenchère pyrotechnique ou un surdécoupage frénétique intensifiant la casse orchestrée sous nos yeux.

À ce titre, les dix premières minutes, sans dialogue, sont un véritable tour de force : d'abord, en montage parallèle, la préparation minutieuse d'une balle de fusil et l'arrivée du tireur dans un parking. Ensuite, l'installation de son "plan" : sur un parking en hauteur, le sniper suit au hasard des hommes et des femmes sur les berges d'un fleuve, puis les exécute un par un. Tout est montré depuis la lunette du fusil, sans musique, juste avec la respiration du tueur, provoquant un effet de suspense et d'angoisse assez bluffant, rappelant le ride sanglant qui ouvrait Assaut de John Carpenter.

Enfin, l'enquête de la police, qui remonte très facilement la piste pour débusquer un ancien officier de l'armée américaine en Irak, psychopathe ayant réussi à échapper à une condamnation par un tribunal militaire pour avoir, juste avant son rapatriement, tué de sang-froid quatre mercenaires irakiens. Celui-ci demande seulement à ce qu'on contacte un certain Jack Reacher, qui a disparu des écrans depuis, justement, qu'il officiait comme «flic de l'armée» en Irak.

Héros sans âge

MacQuarrie insuffle ensuite une bonne dose d'humour à son script et surtout à ses dialogues (particulièrement salés) histoire de distraire le spectateur d'une intrigue à la fois bordélique et prévisible. Il doit d'ailleurs, à intervalles réguliers, l'expliciter — du coup, le film a un bon quart d'heure en trop. Il garde toutefois le cap dans sa mise en scène, qui se tient à la juste distance de la stylisation et de la sobriété, au service de ses personnages, valorisant l'action autant que l'avancée de l'enquête.

De toute façon, tout cela n'a qu'une utilité : asseoir la posture de son héros et, partant, de l'acteur qui l'incarne. Refusant obstinément de vieillir, Cruise en rajoute dans la virilité invincible et intensifie la chose en convoquant dans les seconds rôles des comédiens qui, à l'inverse, assument clairement leur âge : Richard Jenkins, Robert Duvall et Werner Herzog (étonnante présence, dans ce film qui joue de manière très ambivalente sur l'idée de peine capitale, du réalisateur d'Into the abyss !) ont des allures de papys face à l'éternellement jeune Tom Cruise. Qui, en définitive, grâce à un climax final réussi et une conclusion complètement gonzo où il se mue en défenseur de la veuve et de l'orphelin toute cause confondue, se coule assez bien dans ce nouveau registre, affirmant une posture badass et déterminée fidèle aux meilleurs archétypes du genre. Espérons que si suite il y a, MacQuarrie rempile pour conserver l'ambition cinématographique qu'il a insufflée à ce Jack Reacher.


<< article précédent
Il voyage en solitaire