Avenirs d'un pas grand-chose


Des rappeurs qui peuvent improviser deux-trois tacles rigolos et un ou deux clins d'œil pas trop appuyés, on en connait des tonnes. Des rappeurs qui peuvent bâtir un vrai morceau, sensé et percutant, à partir d'une cinquantaine de mots proposés par des internautes chafouins (pléonasme), on n'en connait qu'un seul : le Lyonnais Lucio Bukowski qui, l'automne passé, a trouvé le moyen de trousser trois killer tracks de poche avec des termes aussi disparates et piégeux que «jurassique», «Apollinaire», «hémophile», «palimpseste», «Fonzie» ou «démocratie» - et la complicité, notamment, du producteur stakhanoviste Oster Lapwass. Sans signature, son premier album, autoproduit et fraîchement sorti des presses de l'Animalerie, collectif aussi connecté que débrouillard sous la bannière féline duquel il foulera cette semaine la scène du Marché Gare, est à l'avenant : lettré et référencé sans jamais virer à la pignole (exemple : «Il est ton seul pays natal, en voici la comptine / Un texte à pH neutre, comme ton gel intime / Si j'étais Courbet, j'en aurais fait des fresques / Car ses mystères sont impénétrables ou presque», in L'Éloge du vagin) et, dans ses parenthèses les plus introspectives comme dans ses grognes les plus sanguines, porté par un flow d'orthophoniste élevé à la dure qui impose le bonhomme comme l'un des MCs les plus charismatiques du pays – genre pas loin derrière l'imprenable Arm, de Psykick Lyricah.

Benjamin Mialot

Carte blanche à L'Animalerie
Kacem Wapalek + Lucio Bukowski + Anton Serra...

au Marché Gare, vendredi 18 janvier


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