Des rencontres en pleine tempête

En pleine polémique sur le cinéma français, le festival Drôle d'endroit pour des rencontres, consacré justement au cinéma hexagonal, va prendre une tonalité particulière cette année. Surtout qu'il a choisi d'inviter des francs-tireurs, sinon de grosses gâchettes… Christophe Chabert


L'exil fiscal de Depardieu, la charge de Vincent Maraval contre les acteurs trop payés, les ripostes vantant la santé artistique de la production, la contre-riposte estimant qu'en France, on produit trop de films et qu'en plus, on les produit mal… Période trouble pour le cinéma français. Aux Alizés de Bron, on ne pouvait pas se douter que Drôle d'endroit pour des rencontres tomberait au milieu de ces controverses en série. Du coup, voilà que ce festival consacré au cinéma français se retrouve à jouer les vitrines d'un état des lieux complexifié par la question de la distribution des films. Un exemple : Aujourd'hui, le troisième film d'Alain Gomis, n'a pas trouvé de salle pour l'accueillir à Lyon. Du coup, le festival lui offre sa première projection le samedi 26 janvier en présence du réalisateur. Aujourd'hui fait partie de ces films tournés en dehors des clous, au budget serré mais avec une totale liberté créative. Exactement comme La Fille de nulle part (présenté le 24 janvier), le dernier Jean-Claude Brisseau, autoproduit en vidéo dans l'appartement du cinéaste avec lui-même dans le rôle principal. Que des auteurs (qu'on aime ou pas, car Brisseau n'est pas vraiment notre tasse de thé) en soient réduits à faire de l'arte povera pendant que des yes men tournent à la chaîne des comédies ineptes et coûteuses qui risquent d'être écrabouillées en salles par l'excellence américaine de ce début d'année : voilà un des sujets qui devraient faire débat durant ces Rencontres.

Mocky sonne le glas

On pourrait aussi discuter des aides régionales, notamment de Rhône-Alpes Cinéma. Le médiocre Goodbye Morocco voisine dans la programmation avec le très bon Alyah mais tous deux posent la question : pourquoi aider des films qui ne se passent absolument pas dans la Région (le premier à Tanger, le second entre Paris et Tel Aviv) ? Pourquoi, à l'instar de ce qui se fait dans le court-métrage (le programme Rhône-Alpes tout court en témoigne de belle manière), ne pas inciter les réalisateurs à développer des projets qui prennent vraiment en compte la réalité et les décors d'une région si variée ? Pour trancher les débats, il faut un arbitre. Même si Jean-Pierre Mocky le met à mort dans un de ses classiques (qui ouvrira la carte blanche qui lui est consacrée), c'est bien ce rôle qu'il a endossé depuis des années. Ses autoproductions stakhanovistes ne sortent plus que dans sa salle parisienne et en vidéo mais Mocky, pas si éloigné d'un Alain Cavalier, a créé son propre modèle économique. Un modèle pour une partie de la production française ? À voir…

Drôle d'endroit pour des rencontres
Aux Alizés, du 23 au 27 janvier.


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