Un enfant du siècle

Ancien directeur littéraire pour Plon puis Stock, Laurent Beccaria est également le fondateur et patron des éditions Les Arènes. C'est toutefois en sa qualité de co-créateur de XXI, revue trimestrielle prônant un journalisme «utile», que le reçoit la librairie Passages. Sa grande qualité, même. Benjamin Mialot


C'est un petit fascicule de rien du tout. Une vingtaine de pages, zéro iconographie, pas même une note de couleur. Et pourtant, depuis sa publication le 10 janvier dernier sous le titre Manifeste XXI, il est au cœur d'un nécessaire débat sur l'avenir de la presse. Et pour cause : il dessine les contours d'un journalisme «utile» et «post-Internet». Un journalisme «conçu pour les lecteurs et non à partir des annonceurs», autrement dit en totale contradiction avec cette croyance généralisée – comme dans anxiété généralisée ou cancer généralisé – qui veut que la survie de la presse aux mutations technologiques de ce siècle passe obligatoirement par la dématérialisation, l'immédiateté et la gratuité. La plupart des destinataires du texte ayant les dents plus longues que la moyenne, il fallait s'attendre à ce qu'elles grincent. Tel pure player en perpétuelle instabilité financière y a vu à peine mieux qu'un pamphlet nostalgique, tel hebdomadaire pris de vertige à la moindre occasion de descendre de ses marronniers une fiction utopiste. Des avis recevables si Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry, les auteurs de l'essai contesté, ne prouvaient pas depuis cinq ans que cet «autre journalisme» est possible et, surtout, viable.

XXL 

Le premier, de passage a Lyon cette semaine, a fait ses armes dans le milieu de l'édition, notamment en tant qu'éditeur aux Arènes, maison spécialisée dans «les essais à caractère polémique» qu'il fonda en 1997. Le second, de la famille de qui vous devinez, a passé le gros de sa carrière au Figaro, pour lequel il a couvert nombre de conflits internationaux. Ensemble, ils ont créé en janvier 2008 XXI, un trimestriel d'inspiration anglo-saxonne (Vanity Fair, The New-Yorker...) dédié au reportage, fusse-t-il littéraire, dessiné ou photographié, vendu une quinzaine d'euros en librairie ou sur abonnement et dépourvu de publicité. Difficile de faire plus risqué. Difficile, aussi, de faire plus couronné de succès : à l'heure où paraissent son très symbolique vingt-et-unième numéro et une anthologie de reportages BD parus dans ses pages, XXI tire à 50 000 exemplaires, a accouché d'un petit frère 100% photojournalisme, 6 Mois, et ne cesse de faire des émules. De Long Cours à Feuilleton en passant par We Demain, les étals débordent de mooks (contraction de magazine et book) plus ou moins indépendants entendant travailler récits et visuels avec une égale patience. Mais jusqu'à présent, aucun ne l'a fait avec autant de cohérence et d'ambition que l'original.

Rencontre avec Laurent Beccaria
à la librairie Passages, jeudi 31 janvier
XXI, tous les trois mois en librairie
Grands reporters (Les Arènes)


<< article précédent
Insomniaque - Semaine du 30 janvier au 5 février