Dietrich, sans alibi


Redécouvrir Le Grand alibi (Stage fright) cette semaine à l'Institut Lumière, c'est comme ramasser plusieurs actualités cinématographiques dans une même reprise ! D'abord, la rétrospective consacrée à Marlene Dietrich par ledit Institut, dont le cœur réside bien entendu dans la longue et fructueuse collaboration entre l'actrice et Joseph Von Sternberg, mais où l'on pourra constater qu'elle a aussi travaillé avec tout ce que son temps comptait de réalisateurs géniaux (Walsh, Wilder, Welles, Lubitsch, Lang…). Et donc Hitchcock, dont Sacha Gervasi vient de livrer un portrait amusant dans le biopic du même nom, et qui revient hanter cette semaine le cinéma de son plus grand émule Brian De Palma. Ceci étant dit, Le Grand alibi, puisque c'est de ça qu'on cause, est resté comme un des films les plus retors du maître Alfred. Il repose sur un twist final qui non seulement vient révéler la vérité aux yeux du spectateur, mais surtout vient trahir les mensonges volontaires du metteur en scène. C'est une des premières fois au cinéma où l'image ment sciemment, où les codes que le public avait mis du temps à domestiquer (le flashback où un personnage explique ce qui s'est passé) sont retournés comme des gants et finissent par se révéler en tant que codes purs et simples. Tourné en noir et blanc dans le grand style hitchcockien puisé à la double source du film noir et de l'expressionnisme allemand, Le Grand alibi nourrira autant le spectateur en quête de récits ludiques que le cinéphile avide d'expérimentations théoriques.

Christophe Chabert

Le Grand Alibi
D'Alfred Hitchcock (1951, ÉU, 1h50) avec Jane Wyman, Marlene Dietrich…
À l'Institut Lumière, du 13 au 19 février


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