Et les sentiments bordel ?


Un critique a (trop) souvent tendance à se comporter comme un explorateur : quand il foule une contrée nouvelle, il veut être le premier à en dessiner les contours, quitte à voir des courants, des mouvements et des scènes là où ne poussent que les fruits du hasard. Nous ne sommes pas exempt de ce défaut. Aussi, en découvrant Jocelyn Flipo et son romantisme, assez inédit dans le milieu très unidimensionnel de l'humour, nous sommes-nous empressés de nous demander s'il était le seul à faire vibrer d'un même élan fibres comiques et cordes sensibles. Mais plutôt que de lui prêter des affinités conjecturales, nous lui avons directement posé la question : «Je n'appartiens pas à une confrérie d'auteurs, mais j'ai effectivement l'impression que les gens travaillent de plus en plus à transmettre des émotions aux spectateurs, qui eux-mêmes sont de plus en plus demandeurs. On est en période de crise, on est forcément plus réceptif à tout ce qui met en avant l'humanité des gens. On a besoin de sentir que l'autre est meilleur que ce l'on croit». Sur Lyon, deux noms lui semblent valider cette théorie : celui de Jacques Chambon, le Merlin de Kaamelott, pour Plein phare, son huis clos à stéréotypes dont nous avons déjà loué ici les accents mélancoliques, et celui de Pierre Fontès, qui portait un regard aussi tendre qu'acide sur la cellule familiale dans À Table !. Cela ne suffit pas à fonder une école, mais c'est un début. Et puisqu'il est question de comédiens, auteurs et metteurs en scène de café-théâtre à surveiller, on profitera de cet encadré pour en remettre une petite couche sur les énergiques Loose Brothers Aurélien Portehaut et Yann Guillarme, ainsi que sur le sniper Victor Rossi et le caustique Antoine Demor, le stand-upper qui a fait parler de lui la saison passée.

Benjamin Mialot


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Puissance 4