Tu tueras, point


Scénariste de bandes dessinées, en voilà métier ingrat. Il suffit d'éplucher les palmarès du Festival International de la BD d'Angoulême et, plus encore, de zieuter régulièrement les programmes de cette rubrique pour en faire le constat : quand une librairie invite des bédéastes à promouvoir leur dernière production, il s'agit systématiquement de dessinateurs. La faute aux lecteurs, bien conscients qu'une signature se revend sur eBay moins bien qu'un crobard. Partant de là, la venue à La BD de Matz et Jacamon, les deux auteurs du Tueur, revêt un intérêt particulier, d'autant que le titre, dont vient de paraître le onzième tome, fait montre depuis son lancement en 1998 d'une rare constance qualitative. Considérant le caractère éminemment casse-gueule du postulat de départ –  raconter à la première personne et sur un mode cinématographique le quotidien, tant professionnel que personnel, d'un tueur à gages anonyme et méthodique – ce n'est pas rien. Le truc, c'est que comme ont su le faire depuis, dans un registre voisin, les premiers showrunners de la série Dexter, le duo a d'emblée trouvé le bon équilibre entre introspection et violence graphique, routine procédurale et thrills à grande échelle, ambiguïté morale et cynisme. Au point de pouvoir tout se permettre avec son pourtant très iconique anti-héros – le maquer, le mettre temporairement à la retraite, l'asservir, sans que personne ne trouve à y redire. Nous les premiers.

Benjamin Mialot

Matz et Jacamon
à la librairie La BD, mardi 26 février


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Noce de fer