Bonne compagnie

Il est des compagnies qui accompagnent. Celle de l'Unijambiste, pilotée par David Gauchard, séduit tour à tour les rédacteurs du Petit Bulletin depuis des années. Après avoir travaillé Shakespeare en musique, c'est avec un texte contemporain et poignant ("Des couteaux dans les poules" de David Harrower) que la troupe revient à Villefranche. On l'a encore suivie. Nadja Pobel


À l'écouter parler, David Gauchard semble être un artisan du théâtre. Il aime tant sa discipline que jamais il ne cesse de l'améliorer, sans pour autant l'enfermer dans sa spécificité. Depuis quatorze ans et sa première création, il insuffle ainsi musique et vidéo à des textes qu'il défend haut et fort. Mais pas question de les dissoudre derrière des apparats jeunistes.

En 2002, lorsqu'il monte Hamlet avec du hip hop et se retrouve catalogué comme faiseur de «Shakespeare sexy», sa volonté est déjà de prendre un chemin de traverse. Il veut monter Des couteaux dans des poules de David Harrower (vu à Lyon avec le splendide et dérangeant Blackbird), qu'il découvre par hasard dans une librairie près du Théâtre de l'Odéon. Il cherche alors une même trame que celle de Mademoiselle Julie - un triangle amoureux et tragique à la campagne. Son enthousiasme ne séduit pas facilement les diffuseurs ; Harrower n'est pas aussi vendeur que le maître du théâtre élisabéthain. Qu'importe, David Gauchard monte la pièce et la joue deux à trois fois par saison depuis six ans désormais.

Opiniâtreté

Entre temps, il signe un Richard III mémorable avec le guitariste Olivier Mellano puis Le Songe d'une nuit d'été. Sans jamais renier ce travail, lui et son équipe de comédiens fidèles reviennent toujours à Harrower, comme un aimant. Âpre et intemporel, le texte est à la fois métaphysique - une jeune femme s'affirme en maîtrisant peu à peu le langage, «comme dans La Leçon de piano», dixit David Gauchard - et narratif - elle se laisse séduire par le meunier au détriment de son mari laboureur, plongé dans la noirceur d'un no man's land. Point de botte de paille ou d'herbe pour jouer le réalisme mais une luminosité qui se déploie peu à peu sur le plateau, au rythme des compositions du DJ Robert le Magnifique, et une danse finale sonnant comme l'ultime appropriation de la jeune femme par elle-même.

Une belle promesse faite par une équipe soudée dont on retrouvera des membres en concert (L.O.S. le beatboxer du Songe d'une nuit d'été vendredi à midi et Robert Le Magnifique vendredi soir) avant que David Gauchard ne propose pour sa troisième et dernière année de résidence à Villefranche la création de Ekaterina Evanovna, texte d'un disciple contemporain et méconnu de Tchekhov, Leonid Andreiev.

Des couteaux dans les poules
au Théâtre de Villefranche mercredi 13 et jeudi 14 mars


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