À en perdre ses latins

Pour leur 29e édition, les brillants Reflets du cinéma ibérique et latino-américain du Zola ouvrent en fanfare avec le dernier Almodovar, puis continuent avec un programme mêlant best of de la saison et perspectives sur les événements cinématographiques à venir. Christophe Chabert


Comment ça va, le cinéma latino ? Plutôt bien, si on en croit le début de saison, puisqu'au milieu d'une écrasante domination américaine, c'est bien du côté de l'Espagne, de l'Argentine et du Chili que la résistance a été la plus vive. Aussi, les Reflets du cinéma ibérique et latino-américain n'ont eu qu'à aller piocher ces bonnes nouvelles-là pour assurer le fond goûtu de leur 29e édition.

On ne pourra donc que conseiller aux distraits de ne pas rater les séances de rattrapage de Blancanieves, petit bijou de cinéma muet d'aujourd'hui qui a entre temps effectué une razzia historique aux Goyas (les César espagnols). Plus frais encore, le génial No de Pablo Larraín sur le référendum organisé par Pinochet en 1988 pour asseoir son pouvoir — raté ! mérite une vie sur le long cours ; le festival sera un endroit parfait pour savourer ce thriller politique prenant et audacieux.Comme un justicier qui viendrait remettre les pendules de la distribution à l'heure, Les Reflets vont enfin donner une visibilité lyonnaise au dernier Alex de la Iglesia, Un jour de chance. Même s'il ne s'agit pas de son meilleur film, ce remake libre du Gouffre aux chimères de Billy Wilder méritait mieux que de sombrer dans l'oubli d'une anonyme sortie DVD.

Cauchemar mexicain

Deux films vont faire parler d'eux dans les semaines à venir, et les Reflets se chargent d'amorcer les polémiques en les présentant en avant-première. Avec Les Amants passagers, Pedro Almodovar s'offre une récréation à l'intérieur de son œuvre ; comme lassé par sa course aux prix, il revient à sa période Movida avec cette comédie qui n'a d'autre envie que de distraire son spectateur. On y voit la crème du cinéma espagnol s'agiter dans un avion en perdition au-dessus de Tolède, dans un film qui, malgré son huis clos, part dans tous les sens, avec plus ou moins de bonheur.

Le Mexicain Carlos Reygadas est dans une situation inverse : obsédé par la reconnaissance festivalière, il a réussi son coup avec Post Tenebras Lux en décrochant un généreux prix de la mise en scène à Cannes. On aime beaucoup Reygadas, mais il faut reconnaître qu'il a poussé le bouchon un peu loin avec cette œuvre plus obscure que lumineuse, qui affiche avec une certaine arrogance son avant-gardisme. Cela étant, depuis sa découverte (il y a près d'un an), le film n'a cessé de nous hanter jusque dans nos rêves, preuve que Reygadas a le don d'imprimer la rétine comme peu savent le faire aujourd'hui.

Reflets du cinéma ibérique et latino-américain
Au Zola, du 13 au 27 mars


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