Foals Sacré

De passage à Lyon, Foals débarque avec un talisman inestimable, "Holy Fire". Un troisième album qui, tout en égarant le chaland comme aime à le faire le groupe d'Oxford, contient la recette d'un feu sacré pop dont la flamme changeante semble ne jamais devoir s'éteindre. Stéphane Duchêne


De Ride à Radiohead, de The Jazz Butcher à Swervedriver, Oxford a toujours abrité une colonie de groupes savants, cérébraux ou à la créativité tordue. Même les Supergrass, autoproclamés crétins congénitaux, finirent par s'ériger en élèves modèles d'une pop en perpétuelle recherche d'elle-même. On ne dirait pas autre chose de Foals, à ceci près que la bande de Yannis Philippakis a immédiatement annoncé la couleur avec son math rock sur-diplômé mais pas que.

Avec The French Open sur Antidotes ou Mathletics, le single qui le précéda, Foals prévenait déjà : leur musique serait à la fois première de la classe et imprenable en sport. Et surtout jamais là où on l'attend, en perpétuel mouvement, fumant du cerveau comme des gambettes. Puis s'accorderait quelques vacances au soleil à Miami, single-fausse piste menant à un Total Life Forever qui égarerait tout le monde de Fugue en This Orient ou Spanish Sahara. Oui, il y a chez Foals ce côté "attrape-moi si tu peux", qui finit toujours chez ce genre de groupe par conduire à une dématérialisation qui vaut abstraction (jurisprudence Radiohead).

Late Night

Et nous voilà au pied de ce Holy Fire, ce feu sacré, à la fois Saint-Esprit de la tradition chrétienne, part dématérialisée de Dieu et feu antique entretenu par les Vestales, voué à ne jamais s'éteindre. Curieusement c'est bien cette deuxième option qui est ici à l'oeuvre. Car si Foals a vu le Saint-Esprit (le gospel de Providence, l'éthéré Moon), il lui agite des feux de la St-Jean sous le nez comme autant de feux follets d'une bacchanale crypto-funk infusée au post-rock (!). Soit à la fois l'exact opposé du chemin que l'on aurait imaginé Foals emprunter et l'exact opposé de cet exact opposé. Pas étonnant quand on trouve aux manettes deux monuments de la production aux styles aussi trempés que leurs manières de fonctionner sont différentes, Flood et Alan Moulder – qui en son temps produisit Ride et Swervedriver, tiens, tiens.

Sur Late Night, noyau de l'album dans tous les sens du terme, est peut-être contenu tout le combustible du disque, en même temps que ce qu'a été et sera Foals, quelle que soit la route à prendre. Un titre à ranger précieusement dans les archives de l'Université musicale d'Oxford, car là brûle, comme une étoile, un feu sacré, une intense lueur d'intelligence qui n'est pas près de s'éteindre, mais dont on sent que la moindre étincelle pourrait la faire imploser.

Foals
Au Transbordeur, samedi 23 mars


<< article précédent
Surveiller et ravir