Ceci est son corps

En une soixantaine d'œuvres mineures mais passionnantes, le Musée de Fourvière chemine de peintures en sculptures sur les traces du Christ, de sa naissance à sa résurrection. Jean-Emmanuel Denave


A l'approche de Pâques, l'exposition Corpus Christi propose humblement de revenir sur différentes représentations artistiques du Christ. Humblement, car les œuvres présentées sont celles de "petits maîtres", à l'exception d'une Maesta, Vierge à l'enfant de la fin du XIVe Siècle, des Pèlerins d'Emmaüs (huile sur toile de 1683) de Louis Cretey et d'un très émouvant bas-relief en pierre du XIIe siècle montrant une Cène avec le Christ entouré des visages des apôtres disposés en auréole. Fort simple et presque "pédagogique", le parcours de l'exposition suit le fil rouge du Credo, profession de foi des catholiques : de la naissance du Christ jusqu'à sa mise au tombeau, sa résurrection et sa présence dans le rite symbolique de l'eucharistie pendant les messes.

En plus de belles sculptures ou toiles d'artistes inconnus ou méconnus, Corpus Christi offre aussi l'occasion de découvrir nombre d'objets artisanaux, parfois impressionnants par la minutie ou l'originalité de leur facture : un enfant Jésus en cire au milieu d'une abondance florale réalisé par des religieuses au XVIIIe, une crucifixion en ivoire du XVIIe fourmillant de détails et d'objets miniatures, une maquette-souvenir de l'édicule du Saint-Sépulcre que vendaient les Franciscains à Jérusalem…

Traces, tracé

Dans des salles un peu "tarabiscotées" et sous des éclairages parfois difficiles, on découvre donc nombre d'œuvres intéressantes soit par leur signification iconographique, soit par leur qualité plastique. C'est le cas par exemple des perspectives et jeux de plans successifs de Jésus conversant avec Marthe et Marie dans un intérieur en clair-obscur au cœur d'une peinture flamande du XVIe siècle typique du réalisme et du prosaïsme du courant flamand de la Renaissance. C'est celui de ce petit tableau d'un Christ mort avec la Vierge et Saint-Jean du XVIIe, au raccourci et à la dureté de tons fortement influencés par Mantegna. Ou encore cette «sainte face» dessinée en 1950 par un artiste moderne oublié, Marcel de Parédès.

Un lavis tout en suggestion fantomatique. D'ailleurs, l'ensemble des salles consacrées aux traces, aux reliques, aux supports possibles de la croyance chrétienne après la disparition du Christ sont intellectuellement passionnantes. Comment garder une trace, comment une communauté spirituelle peut-elle faire vivre la figure du Christ, comment faire de l'absence une présence malgré tout ? Des questionnements éminemment picturaux.

Corpus Christi
au Musée d'art religieux de Fourvière, jusqu'au dimanche 17 juin


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Les rails du désir