Le cercle polar

A mesure que le polar élargit ses horizons, que les frontières entre les genres, les sociétés et les supports tombent, Quais du polar se régale à repousser chaque année un peu plus les contours de son sujet. Garantissant par là même de ne jamais résoudre l'énigme qui préside à une littérature de "divertissement" qui console nos misères en les autopsiant. Stéphane Duchêne


Il est loin le temps où, dans nos bibliothèques, polar et série noire se résumaient à un triptyque américano-anglo-franchouillard. Sans doute le symbole ultime de ce bouleversement est-il le très prisé polar polaire, mis à l'honneur cette année via l'invité d'honneur Henning Mankell, le "père" du commissaire Wallander.

Une fausse piste toutefois, puisque Quais du Polar ira fouiner du côté d'un continent assez peu exploré, vu d'ici du moins, par la littérature policière (et qui pourtant nous abreuve de polars hard-boiled au cinéma) : l'Asie. Seconde fausse piste en réalité car hormis le Chinois Qiu Xiaolong, créateur de l'Inspecteur Chen, les deux autres invités "asiatiques" sont des occidentaux aux œuvres infusées aux sociétés thaïe (John Burdett) et japonaise (Romain Slocombe). Sans doute un indice de la mondialisation à l'œuvre au sein d'une forme de littérature qui voit de plus en plus loin que La Blonde au coin de la rue chère à David Goodis.

Du Noir et du futur

D'un continent l'autre, d'un univers l'autre aussi, puisque Quais du polar fera un peu de place cette année à la science-fiction avec notamment Norman Spinrad qui, en cinquante ans de carrière, n'a rien perdu de sa verve provocatrice après avoir exploré tous les recoins possibles du genre, même s'il s'est toujours défendu de toute appartenance. On le verra lors de conférences transversales qui s'annoncent passionnantes : "Les Voyageurs du Noir et du futur : embarquement immédiat" (avec Henning Mankell, JC Grangé et John Burdett), "Le Futur, que nous réserve-t-il ?" et "Hybridation Homme-Machine : la réalité rejoint-elle la fiction ?".

Comme un symbole, le festival aura cette année pour marraine la vénérable PD James qui, comme une poignée d'autres auteurs invités, viendra aussi présenter, à l'Institut Lumière, l'adaptation cinématographique d'un de ses romans – le seul, justement, à entrer dans la catégorie science-fiction : Les Fils de l'Homme. Preuve que du polar au noir, du noir à l'anticipation, de l'anticipation à la science-fiction, il n'y a guère que la place et l'instant d'où l'auteur pose son regard qui varient.

Les plus curieux des lecteurs en auront une preuve supplémentaire avec l'Américain Percival Everett (Effacement, Glyphe, Pas Sydney Poitier), écrivain ardu – trop peu traduit en France –, sans autre genre qu'un style érudit et intransigeant qui transcende toute catégorisation en universalisant ses révoltes les plus intimes.

Quais du Polar
du 29 mars au 1er avril


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