Comme une odeur de souffre


Figure unique du cinéma italien, Pier Paolo Pasolini compte parmi ces auteurs monstres, à l'oeuvre aussi radicale que leur personnalité. En neuf films, les plus emblématiques, l'Institut Lumière revient durant un mois sur l'œuvre du poète et cinéaste dont la fin tragique (assassiné sur une plage) aura couronné d'absolu la carrière.

Débutant tardivement au cinéma et sans expérience avec Accatone, portrait sidérant des banlieues populaires de Rome, Pasolini s'engouffre d'abord sur les traces du néoréalisme. Cette approche, qu'il ne quittera jamais vraiment, lui permet immédiatement de trouver son style, sauvage, direct et à la fois emprunt d'une volonté d'aller cueillir la mythologie partout. Tourné dans la foulée, Mamma Roma pousse encore plus nettement ce désir de souder l'abstraction au réalisme pour interroger l'homme, ses rêves et sa morale dans toutes ses contradictions, puisant à la fois dans le religieux, le politique et l'art.Pasolini cherchera toujours à créer cet équilibre étrange, pliant les mythes universels (Les Mille et une nuits, L'Evangile selon Saint-Mathieu ou encore Les Contes de Canterbury) à sa vision personnelle d'écrivain athée et homosexuel en quête de transgressions.

Mais ce sont sans doute ces deux films les plus scandaleux qui auront créé la légende Pasolini. Théorème d'abord, et sa vision sulfureuse du sexe comme spiritualité. Salo enfin, chef d'oeuvre d'un cinéma extrême, où l'auteur réinterprète Les 120 journées de Sodome de Sade à l'aune du fascisme. Décédé peu de temps après, Pasolini ne pouvait sans doute aller plus loin que ce film, objet aussi insolite que traumatisant, conforme au regard d'un cinéaste pour qui le sacré et le profâne étaient le revers d'une même médaille.

Jérôme Dittmar 

Rétrospective Pier Paolo Pasolini
A l'Institut Lumière, jusqu'au mardi 30 avril


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