La Belle endormie

Marco Bellocchio signe un film choral interrogeant le droit de décider de sa propre mort et, malgré l'étonnante vivacité de sa mise en scène, n'évite pas un certain didactisme. Christophe Chabert


Amour, Quelques heures de printemps et maintenant La Belle endormie : la question de la fin de vie travaille le cinéma contemporain comme elle travaille la société, produisant des films qui tentent, chacun à leur échelle, de ramener le sujet à des destins singuliers.

La stratégie de Marco Bellocchio est d'ailleurs la plus claire : il s'empare d'un fait divers qui a embrasé l'Italie — la décision de mettre un terme à la vie d'Eluana Englaro, dans un état végétatif depuis 17 ans — provoquant manifestations cathos et débats au Parlement. Mais il n'en fait que le lien entre trois histoires de fiction qui, chacune à leur manière, traitent aussi de la question.

On y voit un sénateur berlusconien, qui a lui-même fait subir une euthanasie à sa femme des années auparavant, prêt à voter contre son groupe et ainsi mettre fin à sa carrière, tandis que sa fille va se joindre au cortège des manifestants réclamant la vie pour Eluana ; une actrice veillant en illuminée mystique sa fille dans le coma et délaissant son propre fils, qui lui aussi s'apprête à devenir comédien ; et une droguée qui tente de se suicider et se retrouve surveillée de près par un médecin dont on ne sait s'il est amoureux d'elle ou s'il tente juste de la ramener à la vie.

Le dossier des écrans

Curieusement, Bellocchio tombe dans les mêmes travers scénaristiques que les fictions chorales engagées américaines genre Collision : les personnages ne semblent exister qu'à l'aune de la démonstration du cinéaste et le dialogue, notamment dans la partie à l'hôpital, fait preuve d'un didactisme sentencieux assez indigeste. Sans parler du couplet sur l'amour qui transforme les êtres, d'une confondante naïveté.

En revanche, La Belle endormie montre à quel point Bellocchio reste un metteur en scène d'une grande vivacité. À près de 75 ans, il filme son ballet d'intrigues avec une fougue surprenante : dans ce film où les écrans (de télé ou de portables) organisent les relais de l'information mais aussi l'absence de communication entre les êtres, c'est bien la caméra qui se charge de filer d'une scène à l'autre, d'un bain turc au Sénat à une chambre d'hôtel, d'un sit-in en pleine rue à la demeure très Sunset Boulevard d'une comédienne se rêvant en sainte.

La verve tonique et ironique de Bellocchio tient ici bien plus à ses images, parfois sidérantes, qu'à son discours, un peu encombrant.


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