Haut débit


Attention nous dit-on, voici du «sozial engagiert theater». Et L'Internationale de résonner. En deux minutes et en allemand, Guy Pierre Couleau vient de signer une tonitruante et alléchante entame à son adaptation de Maître Puntila et son valet Matti.

Quand Brecht écrit cette pièce en 1940, il est en exil chez un ami en Finlande et souhaite fabriquer une comédie populaire sans se départir de ce qui l'anime : la lutte des classes. Le pitch est parfait : un acariâtre et despotique propriétaire terrien ne devient humain que lorsqu'il a bu et, chance, il boit très souvent. Mais le nerf de la guerre n'en demeure pas moins pervers : il y a ceux qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont pas. Malgré bien des efforts des uns et d'autres pour s'apprécier voire s'aimer, cette barrière est inéluctablement infranchissable. Le rêve de Puntila de côtoyer les ouvriers ou celui de sa fille d'épouser un chauffeur se cognent vite au principe de réalité, leurs bonnes intentions s'évanouissant au moment de passer à la pratique. On ne devient pas pauvre (quand on est encore riche), on nait ainsi.

Dommage dès lors que le sous-texte politique soit souvent noyé dans des intrigues secondaires rallongeant inutilement la pièce (3h en théorie, 3h30 sans entracte dans les faits !). Les épatants comédiens Pierre Alain-Chapuis (Puntila) et, plus encore, Luc Antoine Diquero (Matti), font pourtant montre d'une constante énergie, sur laquelle peut s'appuyer toute la troupe, notamment la chanteuse Nolwenn Korbell qui interprète des intermèdes dans la langue de Brecht. Las, ils sont peu aidés par une scénographie faite de grands panneaux blancs mouvants, certes pratique mais peu originale. Le propos, pour sa transposition sur scène, aurait grandement gagné à être resserré.

Nadja Pobel

Maître Puntila et son valet Matti
Au théâtre de la Croix-Rousse jusqu'au samedi 20 avril


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