Docteur Daisy et Mister Love


Comme d'autres grattent pour dénicher le cochon sous l'homme et les draps, il faut parfois écailler l'artiste pour y dénicher le "chic type". C'est le cas pour Daisy Lambert, dont le premier effort ne se laisse apprivoiser ni comme un disque pop à l'efficacité rétro ni, encore moins, comme le premier disque de variété venu. Il faut l'écouter et le réécouter pour qu'il vous emporte, qu'il vous prenne, comme Dominique De Villepin entendait prendre la France. Parce que derrière le micro, derrière le masque du dandy un peu branque, se cache un musicien à la sensibilité à fleur de peau et à la pudeur ad hoc.

Qu'importe si sur la ballade désabusée Odéon, un des deux titres de l'album réalisés par Frédéric Lo (Daniel Darc, Stephan Eicher...), qui très rapidement ne vous lâche plus, Daisy chante un peu beaucoup comme Marc Lavoine – après tout ce n'est pas tous les jours qu'on nous donne envie de réévaluer Marc Lavoine. Les références de Daisy Lambert sont à mille lieues de celles qu'ont a l'habitude de croiser dans l'époque pop actuelle, en tout cas pas quand on les mélange toutes ensembles : Jean-Michel Jarre, Alain Chamfort, Daniel Darc, Tangerine Dream, Wes Anderson, David Lynch, la pop italienne, Gainsbourg et Robert Moog, l'inventeur du synthétiseur éponyme. Et puis bien sûr Christophe, auquel Daisy doit son prénom de scène, référence à l'un des plus déchirants cris d'amour étouffé du beau bizarre.

Au fil de l'album, l'artiste s'effeuille, s'épluche. Le type sûr de lui, le séducteur, génie mégalo perché sur son nuage, qui boit «des cocktails à base de fruits inédits» et roule des mécaniques, s'efface pour laisser place à une mécanique, justement, beaucoup plus fragile : un garçon nommé Daisy, seul et romantique, qui court les jupons pour ne pas s'avouer qu'il court après un amour qui le fuit, s'abreuve à la source des femmes fontaines pour désaltérer sa solitude. Un peu comme un Sébastien Tellier qui, au lieu d'étaler sa libidineuse cochonceté (on y revient toujours) de mâle viril, cultiverait plutôt une sorte d'ambiguïté androgyne, une part de féminité qui séduit les filles autant qu'elle les désarçonne. Et, comme sur le bouleversant Ce soir j'te sors, console les mecs en perdition.

 Stéphane Duchêne


Daisy Lambert - Ce Soir Jte Sors (officiel) par InterSessions

Chic Type (Echo Orange/Socadisc)
Disponible sur les plate-formes de téléchargement
Sortie physique le 13 mai


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