Glacis contemporain, glaçant

La provocation n'est plus le leitmotiv créatif de l'artiste néerlandais Erwin Olaf. Les œuvres de l'élève du photographe Robert Mapplethorpe, autrefois outrancières, sont désormais happées par le silence, autrement plus dérangeant. Un univers hanté, dans une lumière semblable à une toile de Vermeer. Charline Corubolo


Sorte de rétrospective du travail d'Erwin Olaf, l'exposition "Emotions" dévoile à la Sucrière des œuvres réalisées entre 2001 et 2012 et rend compte de la diversité des médiums utilisés par ce photographe hollandais. Ses créations, traitant du secret, du voyeurisme et de la famille, se sont en effet enrichies de la sculpture et de la vidéo.

Véritable scénario artistique, chaque œuvre existe pleinement grâce à une scénographie jamais cloisonnée car conçue comme une succession de cellules.

Les différentes séries opèrent ainsi seules ou en dialogue, comme l'installation Karussel Berlin (2012), qui répond aux photographies Berlin (2012). Les enfants sans visage de Karussel Berlin forment une farandole autour d'un clown à genoux, qui apparaît désenchanté. L'installation, dont la prégnance suffit à en faire une œuvre autonome, tisse cependant un lien avec les prises de vue, sur lesquelles les enfants apparaissent cette fois en chair et en lumière, dominateurs et sournois.Ce rapport à l'infantile est également exploré dans l'installation Dusk & Dawn (2009), mais dans sa relation au père.

Au-delà du questionnement de la figure paternelle, c'est la mise en scène qui retient l'attention. Se faisant face, deux films racontent une histoire similaire : l'un dans le crépuscule (dusk), l'autre dans l'aube (dawn). Mais comme il est impossible de suivre les deux intrigues en même temps, à cause des angles de projection, le procédé crée une frustration qui interroge.

Superficialité et solitude

C'est toutefois lorsque l'artiste traite de la vacuité de l'apparence, comme avec Le Dernier cri (2006), que l'œuvre s'offre au spectateur avec une vue d'ensemble. Dans un décor sixties, deux jeunes femmes aux visages remplis de prothèses ne jurent que par leur physique. Illustration terrifiante d'un futur possible, la vidéo dérange et élabore une mise en abyme de la superficialité contemporaine.

La frontalité est également frappante avec les photographies Paradise Portraits (2001), où le gros plan gomme l'épais maquillage de clowns pour en révéler la tristesse. Une façon supplémentaire pour Erwin Olaf de dénoncer les faux-semblants de la société et de pousser le visiteur à la réflexion.

Emotions
à la Sucrière, jusqu'au dimanche 30 juin


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