Entre deux eaux

Raconter le Rhône et la Saône, c'est embrasser Lyon dans son ensemble : son développement industriel et commercial, sa culture, ses fondements religieux et même son avenir. Dans une exposition parfois trop à l'étroit dans leurs murs, les musées Gadagne invitent à la navigation. Nadja Pobel


Au commencement était la Saône. Lugdunum, bâti sur la colline de Fourvière, s'est étendu sur ses contrebas jusqu'à toucher la rivière. Pourtant, du XIIe au XVIIe siècle, la ville se nommera Lyon-sur-Rhône.

C'est dire à quel point la cité des Gaules fut tiraillée par ses deux bras aqueux mythifiés et fantasmés : la Saône est représentée comme une lascive femme et le Rhône comme un homme viril et indomptable dans les lithographies de Guillaume et Nicolas Coustou (XVIIIe siècle), tandis que l'historien Jacques Rossiaud poursuit cette personnification en n'hésitant pas à rappeler la métaphore du Confluent vu comme une fourche liquide en forme de sexe féminin.

En attendant que ce prolixe médiéviste ne livre un catalogue complet sur le sujet à la rentrée de septembre, l'exposition Lyon, la rivière et le fleuve permet d'appréhender, notamment via des gravures et des tableaux, les ravages et les peurs générées par ces eaux que les habitants croyaient surnaturelles, au point d'imaginer un circuit interne et souterrain du fleuve (!), jusqu'à ce que la raison des ingénieurs prenne le pas sur les croyances véhiculées par l'Eglise.

Trop beau et Grand Lyon

Dès la deuxième salle (sur trois), retour au réel avec la Compagnie Nationale du Rhône qui, en même temps qu'elle apporte son soutien financier, présente des avancées techniques certes majeures (constructions de barrages, domestication des eaux) mais qui ne justifient pas la décision de leur consacrer un tiers de la surface de cette exposition-découverte - dont les éléments sont ici rassemblés au lieu d'être disséminés dans les collections permanentes comme auparavant. Gadagne regorge en effet de trésors iconographiques qui auraient pu se suffire à eux-mêmes, comme on le constate avec ces peintures de crues et de ponts malmenés (nomment celui du Change, qui fut jadis habité à ses extrémités comme le Ponte Vecchio florentin) ou celle montrant un fantastique viaduc reliant les deux collines et sans doute sorti de la tête d'un utopiste (voir ci-dessus) !

S'il est ensuite légitime de montrer comment la ville s'est réappropriée ses eaux depuis trente ans avec la construction des berges du Rhône à la place d'hideux parkings, il aurait en revanche été habile, en ces temps de campagne municipale, que les dernières notes du parcours ne soient pas une simple ode aux projets phare de la Ville et du Grand Lyon : le quartier Confluence et les Rives de Saône.

Lyon, la rivière et le fleuve
Aux musées Gadagne jusqu'au dimanche 5 janvier 2014


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