Orchestral Manoeuvre in the Dark


«Quand un vrai génie paraît en ce monde, on peut le reconnaître à ce signe que tous les imbéciles sont ligués contre lui» écrivait le bon Jonathan Swift dans Pensées sur divers sujets, moraux et divertissants. Si l'on s'en tient là, se pose alors le cas du Lyonnais Woodkid dont le sobriquet est devenu sur les réseaux sociaux une insulte («Va donc hé, Woodkid !»). Mais faire de lui un génie précisément pour cette raison, aussi respectueux que l'on soit des fulgurances de l'auteur de Gulliver, serait infiniment malhonnête. Certes les orchestrations sombres et galopantes de The Golden Age vous chopent assez facilement par le col mais pour ne pas vous emmener bien loin. Le problème étant que ces dernières constituent la colonne vertébrale de morceaux dont elles ne devraient être que l'habit d'apparat.

Tout y est donc monté à l'envers et là où beaucoup d'albums se dévoilent avec le temps, The Golden Age est une sorte d'illustration musicale de l'obsolescence programmée : au fil des écoutes, l'envie se désagrège. On sait – pour l'avoir vu – qu'un Antony Hegarty – passé deux fois par l'exercice orchestral à Fourvière – est capable de vous arracher le cœur seul au piano avec ses contes psycho-sexuels. Ajoutez-y des motifs, froufrous et calicots soufflés par une armée de cordes, il reste l'essentiel, car l'essence prime. On a vu également, l'an dernier, Neil Hannon capable d'enflammer une audience avec des versions dépouillées en piano solo de ses tubes de toujours. Toute la question est de savoir si, débarrassés de leurs béquilles orchestrale et visuelle, Woodkid et ses morceaux seraient susceptibles de survivre à l'épreuve du dépouillement.

Stéphane Duchêne

Woodkid avec l'Orchestre National de Lyon + Harold Martinez
Au Théâtre Antique de Fourvière, samedi 8 juin (Complet)


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