Before midnight

De Richard Linklater (ÉU-Grèce, 1h48) avec Julie Delpy, Ethan Hawke…


Tous les neuf ans, Linklater, Delpy et Hawke reviennent prendre des nouvelles du couple qu'ils ont inventé avec Before sunrise : après la rencontre, après les retrouvailles, voici le temps du bilan. Céline et Jesse sont mariés, ils ont deux jumelles et passent leur été sur une île grecque dans une résidence pour écrivains.

Before midnight fonctionne à nouveau sur une unité de temps — une journée — mais Linklater et ses deux comédiens-scénaristes radicalisent un peu plus leur dispositif cinématographique : le film n'est constitué que de grands blocs de dialogues tournés en plans-séquences dont le plus "spectaculaire" dure 14 minutes, et se déroule entièrement dans une voiture en mouvement. Ces longues discussions, où les conflits peuvent être larvés ou ouverts, où ce qui s'exprime clairement est aussi important que les hésitations et les atermoiements des personnages, et où la mise en scène cherche à se rendre invisible — la grande scène de dispute à l'hôtel prouve pourtant qu'elle est souveraine, des seins dénudés de Julie Delpy à ses entrées et sorties faussement théâtrales — ne sont futiles qu'en apparence. Before midnight pose avec acuité toutes les questions qui hantent un couple, des fantômes des amours précédentes au choix nécessaire entre vie privée et accomplissement professionnel.

Surtout, Linklater ne perd jamais de vue que tout ici est avant tout question de "rôles" à tenir : Céline et Jesse se projettent sans cesse dans un futur hypothétique, jusqu'à une très belle inflexion temporelle où ils regardent la soirée qu'ils sont en train de vivre comme un souvenir déjà lointain, dont ils écrivent et commentent la fin tout en l'écrivant au présent. Une idée à l'image du film tout entier : il enregistre l'instantané d'un couple qui se délite comme s'il voulait l'inscrire dans une éternité quasi-mythologique.

Christophe Chabert


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