A la folie

La folie douce ne semble pas décidée à déserter, après trente-quatre ans de carrière, la musique des forts bien nommés Madness, increvables figures de proue du ska britannique – et mondial. Pas plus que l'enthousiasme ne menace de quitter une formation jamais aussi redoutable qu'en live. Stéphane Duchêne


Oui oui si si ja ja da da. Si un groupe voulait, avec toute la force de conviction qui le caractérise, montrer à quel point il voit depuis toujours les choses de manière positive, il ne s'y serait pas pris autrement que Madness. En baptisant ainsi son dernier album, la troupe du chanteur Suggs entend ainsi faire passer dans toutes les langues un message vieux de trente ans et plus.

De leur ska originel, il ne reste pas grand chose ou, disons, beaucoup plus que cela. Peut-être parce que Madness – nom hérité d'un titre du Jamaïcain Prince Buster – est avant tout un grand groupe pop, qui au fil des années s'est goinfré, avec une gourmandise non feinte, de tous les styles passant à sa portée : on y croise reggae (normal, atavique), ambiances kinksiennes, mambo, northern soul et même mariachis.

Avec ce tour de force que l'ensemble demeure, bien entendu, indécrottablement british, ne serait-ce que par son sens de l'humour, et estampillé rude boys, du nom de ces gamins des ghettos jamaïcains célébrés par le ska. Car l'autre versant de Madness, c'est la contestation sociale (qui entraînera dans son sillage, comme les bicolores Specials, nombre de skinheads non encore fascisés), le constat, même aux contours festifs, des ravages de la société thatchérienne et comment lui survivre.
 

House of Fun

Survivre justement : auteur d'un tube énorme qu'on ne présente plus – et qui à force aurait même une fâcheuse tendance à taper sur les nerfs, l'incontournable One Step Beyond, Madness aurait très bien pu, comme tant d'autres, capitaliser sur ce succès planétaire. Il en connut bien d'autres que ce soit en format album (The Rise & Fall, chef-d'oeuvre de 1982) ou single (Night Boat to Cairo, Baggy Trousers, Our House, Michael Caine...).

Surtout alors que dans le rock anglais, le divorce façon "grande scène du II" jouée à grands renforts de jets de vaisselle et de lavage de linge sale en famille décomposée est devenu la norme, Madness n'a quasiment pas bougé d'un pouce depuis trente-quatre ans – en dépit de quelques éclipses.

Comme si l'enthousiasme gamin des débuts semblait conserver intacte une énergie jamais entachée du moindre signe d'essoufflement. Comme si Madness avait choisi de demeurer à jamais dans sa fameuse House of Fun – l'un de leurs autres grands tubes – et de s'y enfermer à double tour pour pouvoir continuer tranquillement à faire le fou dans ses couloirs à coups de "silly walks" et d'hymnes cinglés. Cette maison bien sûr, c'est l'Angleterre telle que le groupe la rêve depuis toujours.

Madness + Man Like Me
Au Théâtre antique de Fourvière
Dimanche 7 juillet


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