Souvenirs crayonnés

Après la Percept Gallery et le street art, c'est au tour la fondation Bullukian de mettre à l'honneur une forme plastique encore peu introduite dans les lieux artistiques : la bande dessinée. Ceci avec l'exposition "Souvenirs d'enfance", qui présente cinq artistes argentins usant du cadre, en résonance avec le festival Lyon BD. Charline Corubolo


Des parois de Lascaux aux exquises préparatoires du XXIe siècle, le dessin a toujours eu une place d'importance en art. Pour autant la bande dessinée n'est pas considérée comme telle. À l'occasion du festival Lyon BD, la fondation Bullukian s'est associée à l'évènement pour enfin donner un peu plus de visibilité à ces artistes qui s'expriment par "la bulle".

Les cinq Argentins ainsi exposés, tous issus de l'auto-édition, ont des univers radicalement opposés mais la même volonté de réinterroger leur support et un besoin d'explorer l'enfance.

Pedro Manchini et Jorge Quien optent pour une forme intimiste teintée d'humour, à travers laquelle le premier raconte sa vie d'illustrateur raté dans un univers peuplé d'extraterrestres, tandis que le second reste profondément attaché à l'enfant qu'il était en convoquant les super-héros qu'il admirait. Manchini a un trait rigide qui mécanise l'homme et humanise les créatures. Une netteté du dessin que l'on retrouve chez Qiuen, mais dans un style plus détaillé qui donne davantage de corps aux personnages.

Un trait pas si enfantin

La précision est également de mise dans le travail de Santiago Fredes, mais de manière plus analytique. Le dessinateur s'intéresse à l'extension des villes en Argentine, ces lieux qui deviennent zones de transit où errent des jeunes démunis. Le crayonné est réaliste et pointe du doigt, dans une succession d'images au fusain, la misère qui ronge ces régions.

La fragilité de l'enfance est creusée plus personnellement par Manuel Depetris et surtout Antonella Andreoletti qui, à travers un dessin délicat et en gommant les visages des adultes, esquisse des saynètes familiale d'après des photographies. De cadre en cadre, son entourage apparaît avec des zones d'ombres et une finesse séduisante. Depetris joue lui aussi avec l'invisible mais par l'accumulation d'effets graphiques, figurant avec une noirceur poignante le retour d'un gamin dans son ancien village.

D'humour en mélancolie, Souvenirs d'enfance se révèle de bout en bout passionnante, nous plongeant dans des univers artistiques entre réalité et introspection. Souhaitons aux cinq artistes exposés de rencontrer le même succès que Roy Lichtenstein, figure majeure de ce rapprochement entre imagerie populaire et recherche plastique.

Souvenirs d'enfance
À la Fondation Bullukian, jusqu'au samedi 13 juillet


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