Delon, de l'ombre au Plein soleil


Séquence émotion au cours du dernier festival de Cannes : en séance de clôture de Cannes Classics, Alain Delon vient présenter la version restaurée de Plein Soleil — à redécouvrir cette semaine au Comœdia. On s'attend à voir l'éternel délire mégalo de l'acteur prendre toute la place mais, surprise, le voici au bord des larmes, submergé par l'émotion, évoquant René Clément comme celui sans qui sa carrière n'aurait pas été celle qu'elle est. En effet, Clément est celui qui a fait de Delon une star, le faisant basculer de son statut de second rôle dans des films populaires à celui de comédien majeur dont le magnétisme noir aspire tout sur son passage. De plus, Plein soleil inscrit à même son intrigue ce passage de l'ombre à la lumière.

Delon y est Tom Ripley, mais dans les premières séquences, Tom Ripley n'est pas grand chose. Juste un petit escroc que l'on paie 5000 dollars pour convaincre Philippe, un riche héritier, de cesser sa vie de playboy sous le soleil italien pour revenir dans ses pénates familiales. Ripley fait ce qu'il peut pour accomplir sa mission, mais il est renvoyé dans les cordes par la désinvolture canaille et le tempérament de noceur de Philippe. De fait, c'est surtout Maurice Ronet / Philippe qui brille au milieu du technicolor rutilant de ce premier acte et il faudra un geste radical pour que Delon / Ripley prenne sa place au soleil du film.

Que l'histoire de l'acteur Delon se confonde avec celle de son personnage, que la doublure devienne le héros et ne descende plus de ce piédestal malgré les scandales, les rumeurs, les moqueries et les mauvais choix, c'est bien le génie de Clément, pour le coup visionnaire, qui a permis ce prodige. Cela méritait bien l'hommage sincère que le comédien lui a rendu.

Christophe Chabert

Plein Soleil
De René Clément (1960, Fr, 1h50) avec Alain Delon, Maurice Ronet, Marie Laforêt…


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