Hipnose


Le premier titre du très marquant The Careless Flame (2006) de Kill The Vultures, Moonshine (mot d'argot désignant l'alcool de contrebande) frappait à la tempe comme une gueule de bois. Comme du Massive Attack qu'un Tricky revanchard aurait arrosé de rhum coupé au vitriol. On jurerait ces types sortis des cuisines d'un infâme diner du fin fond de l'Alabama, où l'on assassinerait un à un les types de la commission d'hygiène. Ils sont pourtant de Minneapolis – on comprend donc qu'ils se réchauffent à l'alcool à brûler.

 

Quant au minimalisme suant à l'oeuvre ici, il est celui d'une volonté refondatrice qui redonne foi dans le genre. Pour cela, tel le maire fraîchement élu, Kill the Vultures a choisi, depuis quatre albums, de tout casser, jusqu'à la dernière pierre. Ce qu'on entend alors, c'est le bruit des travaux, le fracas des machines, incarné par le vrombissement des sax free, le bruit des bouteilles qui tombent des échafaudages, celui des types enchaînés qui frappent sur les cailloux et des os qui craquent.

 

Si l'on détournait la maxime de Jules Renard «cherche le ridicule en tout chose, tu le trouveras» en «cherche le bling-bling en tout chose hip hop et tu le trouveras», elle serait vraie la plupart du temps, hélas. Pas chez Kill The Vultures, où le bling-bling est enterré vivant sous les gravas et la terre des fausses pistes de l'Histoire. On parlait de sud et c'est bien aux racines du blues et dans les limons du jazz que ces types-là sont allés puiser ce hip hop aux airs de séance d'hypnose. Lequel à le bon goût de ne pas confondre l'ivresse avec la soûlerie.

 

Stéphane Duchêne 

 

Summer Session : Kill the Vultures
Au Transbordeur, vendredi 19 juillet


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Alabama Monroe