Fedora, star au crépuscule


Fedora revient sur les écrans, après une longue absence. Cette phrase marche pour le film de Billy Wilder, quasi-invisible depuis sa sortie en 1978, mais aussi pour l'histoire qu'il raconte : celle d'une star mythique, recluse sur une île à Corfou entourée d'une vieille infirme, d'une gouvernante, d'un garde du corps et d'un médecin alcoolique, qu'un producteur «indépendant» cherche à convaincre de faire son come back dans une nouvelle adaptation d'Anna Karenine.

Tout fait retour dans Fedora, y compris Billy Willder lui-même, qui offre une variation évidente autour d'un de ses plus grands succès, Sunset Boulevard. Le cinéma a changé en un quart de siècle, et la gloire du muet terrassée par le parlant s'est transformée en diva énigmatique, Dorian Gray féminine pour laquelle la chirurgie esthétique remplace le tableau diabolique. En revanche, William Holden est toujours là, mais lui accuse le poids des années, tout comme Hollywood, balayé par «les jeunes cinéastes barbus» et leurs «caméras légères».

La puissance de Fedora tient à son mélange d'anachronisme et de puissante modernité ; la mise en scène de Wilder garde ce classicisme élégant qui permet au film de résister au passage du temps, mais les sujets qu'il aborde et le regard qu'il pose sur ce monde en mutation où l'éternelle jeunesse est la valeur monstrueuse à laquelle on doit tout sacrifier — vie privée, vie amoureuse et même progéniture — sont d'une incroyable acuité. Le parfum mortifère qui se dégage de cette œuvre vraiment crépusculaire constitue ainsi un chant du cygne parfait pour son réalisateur — le navrant remake de L'Emmerdeur n'étant qu'un combat de trop, ce qu'il ne manqua pas de reconnaître en le reniant avant de se retirer définitivement des affaires.

Fedora
De Billy Wilder (1978, ÉU, 1h50) avec William Holden, Marthe Keller…
À l'Institut Lumière jusqu'au 7 septembre


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